que votre manière d’agir ne ressemble pas non plus à la sienne ; faites un usage raisonnable de vos richesses, ne soyez pas aussi avide ou si passionné à les accumuler, ne tenez pas aussi honteusement à des biens superflus ; employez-en du moins une partie à faire des bonnes œuvres, à prouver que vous êtes bon citoyen, bon père et bon ami, et surtout à soulager ceux qui manquent du nécessaire ; ils vous béniront, et vous recevrez de tout le monde les louanges dues à un homme sensible et libéral. […] Voilà ce qu’on nous dit dès l’âge le plus tendre, et ce que nous apprenons dans nos premières lectures ; or cet avis d’une source divine et pure que tant d’exemples malheureusement justifient et rappellent continuellement à tout le monde, et que, d’ailleurs, on peut souvent renouveler par cette méthode calme qui réveille l’attention sans réveiller les passions et les porter à confondre l’apparence avec la réalité ; cet avis, dis-je, était suffisant à cet égard, et rendait inutiles les leçons magiques et inflammatoires du théâtre. […] Ainsi donc, après avoir mis à part, avec l’admiration et tous les égards qui leur sont dûs, l’esprit, le génie et l’art qui brillent dans la satire du Tartufe, et qui ont aveuglé le public sur ses défauts, comme la pompe et les richesses l’aveuglent ordinairement sur ceux des riches, on peut dire que son instruction s’est bornée à donner aux honnêtes gens l’avis qu’on pouvait les tromper sous un masque noir comme sous un masque blanc, ou sous l’habit ecclésiastique comme sous l’habit de laïc ; ce qui ressemble au soin de leur apprendre que les brigands et les voleurs, qui se mettent en embuscade aux coins des édifices profanes, pour surprendre et dépouiller les passants, se cachent aussi derrière les temples, quand ils croient y être plus avantageusement placés ; or, l’on n’attendait pas après une telle révélation ; tout le monde en conviendra ; donc la plus savante, la plus ingénieuse attaque dramatique a été dirigée contre un moulin à vent. […] Vous voyez dans leur histoire que, comme nous aussi, par ou malgré leurs Ménandres et leurs Aristophanes, ils furent légers, frivoles ; que comme nous ils allaient se dégradant tous les jours ; qu’ils firent de même des progrès rapides dans l’irréligion et la corruption, et qu’ils sont devenus enfin ce que tout le monde sait, et ce que nous deviendrons sans doute aussi prématurément, si nous ne prenons une autre marche qu’eux.
C’est un scandale actif de composer un mauvais Livre qui contienne des erreurs ou des impuretés, quoiqu’il soit libre à tout le monde de ne le point lire. […] On tâcha longtemps d’amuser le Peuple avant que d’avoir imaginé cette espèce de Théologie ridicule, dont enfin on convint par tout le monde. […] Mais peut-être, dira quelqu’un, le Livre des Spectacles que ce grand Cardinal a composé, n’est pas commun, et tout le monde n’est pas informé de ce qu’il contient. […] Entrecoupez tout cela de Musique, d’Instruments, de Danse, et de voix qui invitent tout le monde à suivre l’amour, à s’abandonner à la tendresse, et à s’aimer jusqu’au tombeau. […] Tout le monde doit savoir que la tolérance de plusieurs choses qui seraient à retrancher, inséparable de la Politique, n’excuse point de péché devant Dieu dont la Loi sainte ne fléchit jamais, parce qu’elle est la souveraine équité.