Vous savez mieux que moi, que non seulement de ce petit nombre d’hommes dépendent les calamités ou le bonheur du monde entier ; qu’au seul accent de leurs voix, la guerre obéissante, le flambeau de la discorde à la main, va parcourir la terre, joncher les campagnes de morts, couvrir la mer de voiles menaçantes, et teindre de sang les flots effrayés : qu’au son plus doux de ces mêmes voix, l’abondance, une couronne d’or sur la tête, va répandre ses richesses dans les climats les plus stériles, couvrir d’épis jaunissants des champs incultes et arides, changer de vastes déserts en de superbes cités, creuser des lacs, ouvrir des canaux, joindre les deux mers, combler les précipices, aplanir les montagnes, élever les eaux, animer le marbre, fondre les métaux, et faire naître enfin tous les arts.
On frissonne à la seule idée des horreurs dont on pare la Scène Française, pour l’amusement du Peuple le plus doux et le plus humain qui soit sur la terre ! […] Voit-on rien de pareil dans les Provinces, et dans les lieux où les Spectacles ne sont point établis ; et par toute la terre, hors les grandes villes, une tête chenue et des cheveux blancs n’impriment-ils pas toujours du respect ? […] Je me souviens d’avoir vu dans ma jeunesse aux environs de Neufchâtel un spectacle assez agréable et peut-être unique sur la terre. […] Toute la terre n’en rendît-elle pas l’éclatant témoignage, la seule comparaison des sexes suffirait pour la constater. […] Il n’en va pas ainsi parmi nous, qui, sans terres pour subsister, n’avons tous que notre industrie.