Socrate ne manquait jamais d’y assister, quand il en donnait de nouvelles : il est tendre, touchant, vraiment tragique, quoique moins élevé & moins vigoureux que Sophocle : il ne fut cependant couronné que cinq fois : mais l’exemple du Poète Ménandre, à qui l’on préféra sans cesse un certain Philémon, prouve que ce n’était pas toujours la justice qui distribuait les couronnes. […] Il réunit toutes les parties ; le tendre, le touchant, le terrible, le grand, le sublime : mais ce qui domine sur toutes ses qualités, & ce qui les embrasse chez lui, c’est la grandeur & la hardiesse. […] A Johnson succéda Otway, Poète tendre & touchant.
La seconde, d’inspirer du mépris pour la mollesse, pour la fainéantise, et pour les excès du luxe et de la volupté, qui diminuent le bonheur de leurs pareils ; la troisième, c’est de jeter du ridicule sur toutes nos petites vanités et sur nos affectations lorsqu’elles ne tendent qu’à nous donner des distinctions qui ne sont d’aucune utilité pour le Public. […] Ainsi avec un des grands mobiles des hommes qui est le désir de la distinction, le Poète pourra en divertissant les spectateurs augmenter considérablement l’empire de la vertu et de la gloire aux dépens de l’empire de la mollesse et de la vanité, la perte de l’un sera l’augmentation de l’autre, et à dire la vérité, les hommes n’ont rien de solide et de durable à opposer au furieux désir des plaisirs des sens si nuisibles dans leur excès à la société, que le ressort ou le désir des plaisirs de la distinction la plus précieuse qui tend toujours au plus grand bonheur de cette même société. […] Les spectacles peuvent donc être utiles et agréables, mais il faut qu’ils soient dirigés par une compagnie perpétuelle composée de gens habiles, et surtout de bons politiques sous les ordres du Magistrat de Police, et qu’ils tendent toujours à rendre dans la société la vertu respectable et aimable, les vices honteux et odieux, la vanité méprisable et ridicule ; je demande enfin pour Membres de cette compagnie des connaisseurs délicats, qui sentent combien les bonnes mœurs sont importantes pour augmenter le bonheur de la nation.