Tous les imprimés du temps en sont remplis ; on voit les noms les plus illustres à côté des plus méprisables, les premières personnes de l’Etat figurer avec un Acteur ou une Actrice. […] Les beaux esprits du temps se signalaient à l’envi par de pareilles futilités qui ne devaient pas durer plus que la fête. […] Ils se jouaient eux-mêmes dès les premiers temps. […] Elle se trompait, la gravité philosophique de ce Prince, dont toute la vie fut une comédie perpétuelle, ne pouvait s’accommoder de la licence ; et sa dangereuse politique, qui pour mieux détruire le christianisme, affectait d’en surpasser la pureté dans le culte des faux Dieux, enchérit sur ses prédécesseurs, et de son temps le théâtre fut plus réservé que jamais. […] plus désœuvrée, elle y perd plus de temps ; plus riche, elle en fait plus aisément les frais ; ayant plus de crédit et de hardiesse, elle s’en procure plus facilement les plaisirs ; plus de délicatesse dans les sentiments, elle en goûte plus vivement les charmes.
Eschyle, leur premier Tragique, donna à la Tragédie un air gigantesque, des traits durs, une démarche fougueuse, c’était la Tragédie naissante, bien conformée dans toutes ses parties, mais encore destituée de cette politesse que l’art & le temps ajoutent aux inventions nouvelles : il falait la ramener à un certain vrai que les Poètes sont obligés de suivre jusque dans leurs fictions. […] Les Anglais avait déjà un Théâtre, aussi-bien que les Espagnols, quand les Français n’avaient encore que des tréteaux : Shakespear fleurissait à-peu-près dans le temps de Lopez de Vega. […] La Tragédie sera moins majestueuse, moins vénérable, si l’on choisit son héros dans un temps trop proche du nôtre ; mais elle sera plus utile. […] Comme Melpomène se plaît à parer ses Personnages de couronnes & de sceptres, il arriva dans ces temps d’horreurs & de persécutions, qu’elle choisit dans cette Pièce Dramatique pour sa victime, un Prince contre lequel les Spectateurs étaient révoltés.