Alors le Théâtre deviendroit véritablement le spectacle de la Nation, & seroit avoué par elle. […] C’étoient eux qui procuroient des spectacles honnêtes & décentsa. […] l’Archevêque de Sens (Languet) à M. de la Chaussée, donner non aux Spectacles que je ne puis approuver, mais à des Pieces aussi Sages que les vôtres, une certaine mesure de louange.
Nous savons que le dernier qui a écrit a voulu prouver par plusieurs passages des anciens Auteurs et des Pères de l’Eglise, que la Comédie et les Comédiens ont été depuis longtemps réputés infâmes, et qu’il a toujours été défendu aux Chrétiens d’assister à leurs spectacles, comme étant nuisibles et scandaleux. On a déjà dit pour défense, Qu’il y avait différence de Spectacles chez les Grecs et chez les Romains ; Que véritablement les représentations qui se faisaient en postures, en grimaces, et en danses, étaient lubriques et déshonnêtes, et n’étaient exécutées que par les Histrions et Pantomimes qui étaient les Bouffons ou bateleurs de ce temps-là, et qu’il n’y a point d’apparence de croire que ces sortes de gens fussent mis au rang des personnes d’honneur ; mais qu’il y avait des Comédiens sérieux qui ne représentaient que des Tragédies ou Tragi-comédies pleines de raisonnements Moraux et Politiques, et que c’était ceux-là qui n’étaient pas notés d’infamie comme les autres ; Qu’un Roscius Comédien qui a été tant estimé, pouvait être de leur bande ; Que c’était chez lui que les jeunes Orateurs de Rome allaient étudier le geste et la prononciation ; Qu’il était un des plus honnêtes hommes de la Ville, et que Cicéron ayant pris la peine de le défendre en une Cause, avait parlé de lui fort avantageusement ; Mais quoi que en effet ce Roscius ait été vertueux, s’ensuit-il que tous les autres Comédiens de son temps le fussent, et qu’ils lui ressemblassent en son mérite personnel ? […] Il semble que c’est une chose assez inutile de disputer davantage là-dessus, et qu’on peut tout d’un coup retrancher la Question en remontrant, Qu’en ce qui est des Histrions et des Comédiens Romains, Tragiques ou Comiques, les uns ne valaient pas mieux que les autres, et que leurs Pièces les plus modestes avaient des emportements que nous ne saurions approuver ; C’est pourquoi la conséquence que l’on tire de tout ceci en faveur de nos Comédiens, n’est pas fort favorable, de dire, Que puisqu’ils représentent des Tragédies et des Tragi-comédies à l’imitation des Anciens, on les doit tenir dans l’estime comme eux, et assister à leurs Représentations comme à des Spectacles importants ; car si l’on montre que les anciens Comédiens ne faisaient aucune difficulté dans leur Religion de jouer des Pièces de mauvais exemple, on s’imaginera donc que ceux qui sont aujourd’hui de la même Profession prennent une licence pareille ; Que cela se voit dans leurs Pièces les plus régulières, et principalement dans d’autres composées exprès pour être plus libres.