Enfin la troisième réflexion est, que si saint Charles avait cru, comme le veulent ceux qui soutiennent la Comédie, que les saints Pères eussent regardé quelquefois la Comédie comme une simple vanité, ou que leur raisons pour la condamner dans leurs Sermons eussent été des exagérations, ou bien que les Comédies séparées des grands crimes n’eussent été capables que d’éloigner de la perfection Chrétienne, il n’aurait pas ordonné absolument et sans distinction aux Prédicateurs de son Diocèse, de se servir des arguments73 et des preuves des Saints Pères, ces termes ne conviennent point à des exagérations ni à des figures de Rhétorique, ils signifient quelque chose de plus, il n’aurait point ensuite marqué à chaque Prédicateur de faire voir au peuple les grands maux dont les Comédiens sont cause. « Le Prédicateur74 , dit-il, montrera fortement les maux qui en proviennent et qui se répandent sur le peuple. […] L’on peut voir ce que l’on a rapporté ci-devant de saint Basile, de saint Chrysostome et des autres touchant la Musique des Théâtres, pour être convaincu qu’il n’y a rien de si propre pour corrompre le cœur que ces airs languissants et tendres d’une Musique accommodée à des paroles capables par elles-mêmes d’émouvoir beaucoup, et qui est soutenue de gestes et de mouvements convenables à ce dessein ; de sorte que l’on peut appliquer ici ce que saint Basile a dit de la différence qu’il y a d’une Musique honnête, qui n’est capable que d’exciter dans l’âme les mouvements d’un plaisir réglé, pour conserver ou rétablir le juste tempérament où les puissances de l’âme doivent être, d’avec celle des Théâtres. « Il y a, dit ce Père107 , une si grande différence entre une Musique honnête et celle qui ne l’est pas, que cela vous doit exciter à fuir celle qui est maintenant en usage avec autant de précaution que vous fuiriez une chose très honteuse ».
Linguet, après avoir soutenu avec courage le parallele des deux scènes de Paris & de Madrid, dans le détail des ornemens, ballets, intermedes, actrices, sifflets, &c. attaque avec la même intrépidité les légions dramatiques de cette puissante monarchie, il en critique les défauts : longueur énorme des pieces, ridicule des habits contraires au costume, par l’attachement aveugle de la nation à ses usages, mépris des regles, point d’unité, d’action, de lieu, de temps, enfant au premier acte, & barbon au dernier .