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39. (1640) Lettre apologétique pp. 2-42

Sa plume qui est le truchement de ses pensées, et ses écrits le symbole de ses mœurs, font connaître, que ses œuvres sont l’image de son esprit, et son visage étant l’âme raccourcie de son naturel et le miroir de son cœur, montre par la débilité de son cerveau, que ses sens sont égarés, et que son jugement a sorti les bornesc de la raison, par ce grand débordement d’injures dont son libelle est rempli : Ce Casuiste semble avoir mal pris ses mesures, d’avoir voulu faire un parallèle, de la Profession des anciens Histrions, à celle des Comédiens ; d’autant qu’il n’y a aucune affinité ni correspondance entre leurs exercices, l’une étant un pur batelage et souplesse de corps, et l’autre une représentation d’une fortune privée, sans danger de la vie, comme témoigne Horace, en son livre, de Arte d, « Comedia vero est Civilis privataeque fortunae sine periculo vitae comprehensio » ; Je sais bien qu’il y en a plusieurs, qui ne sachant pas la différence de ces deux professions, confondent l’une avec l’autre, et sans distinction de genre, prennent leur condition pour une même chose ; Mais il y a une telle inégalité entre elles, qu’il est facile de juger par la diversité de leurs fonctions, qu’elles n’ont nulle conformité ensemble, car celle des histrions n’est comme j’ai déjà dit qu’une démonstration d’agilité de corps et subtilité de main, mais l’autre étant une action plus relevée, fait voir qu’elle est une école des plus belles facultés de l’esprit, et où la mémoire fait un office digne d’admiration ; l’antiquité nous apprend qu’autrefois les Romains avaient ces Bateleurs en quelque considération, à cause du divertissement qu’ils donnaient à leurs Empereurs, mais ayant abusé du crédit qu’ils avaient obtenus du Sénat, s’adonnèrent à toutes sortes de licences pernicieuses, ce qui obligea la ville de Rome de les chasser, et particulièrement un nommé Hyster, qui s’étant retiré à Athènes, fut suivi d’une bande de jeunes hommes, auxquels il enseigna ses tours de passe-passe et autres parties de son métier, et furent appelés Histrions, du nom de leur Maître, ces Libertins s’ennuyant de demeurer si longtemps dans un même lieu, prirent résolution de revenir à Rome pour exercer leurs jeux : Mais l’Empereur Sévère, ne pouvant souffrir ces Ennemis des bonnes mœurs, fit publier un Edit, par lequel ils furent pour la seconde fois bannis de tout le pays latin ; Lisez ce qu’en dit Eusebius, et Prosper Aquitanus, sur la remarque des temps et des siècles : Pour le regard des Mimes, ou Plaisanteurse, ils ont pris leur source d’un certain bouffon appelé Mimos qui signifie en langue grecque Imitateur, d’autant qu’en ses représentations il contrefaisait divers personnages, et imitait les façons des uns et des autres. […] Premièrement, Saint Ignace, successeur d’Evodiusen l’Evêché d’Antioche, et duquel l’Antiquité a honoré les Epitres, comme témoigne le Cardinal Baronius en ses annales, écrivant contre l’Empereur Claudius, fulmine de ce qu’il souffrait l’exercice des Mimes, qui infectaient dans Rome, la plupart de la jeunesse, par l’excès de leurs mauvaises vies. […] Ce Sophiste prétendu, s’efforce de persuader au Vulgaire, que ceux de la Religion réformée, ne souffrent aucunement ce divertissement parmi eux, en quoi il montre une grande ignorance ; vu qu’il n’y a Royaume, Province, Contrée ou Ville, où ils ne soient bien reçus et approuvés de ceux qui ont l’autorité souveraine ; en Angleterre le Roi en entretient ordinairement deux troupes à ses gages, qui le suivent quand il va à ses progrèsl, et où j’ai vu même des Ministres assister à leur représentations, entre autre un nommé Joannes Davenantius Professeur de l’Académie Royale, et un certain Vardus Préfet de la même Académie, qui tous deux avaient été députés au Synode de Dordrecht, comme des plus notables du Royaume : Dans la Hollande j’ai toujours vu des lieux érigés pour cet exercice, et particulièrement à Amsterdam, où s’est fait depuis peu le plus magnifique Théâtre de l’Europe, pour la Jeunesse de la Ville. […] A Castres on joua une Comédie intitulée le Jugement de Midas, devant le Duc de Rohan, où le Sieur du Mont et autres Ministres assistèrent : Je sais bien que quelqu’un me dira, que les poèmes que ceux de la Religion représentent, sont examinés par les Pasteurs ou parpceux qui ont charge de l’Eglise ; et que lorsqu’il s’y rencontre quelque chose contre la gloire de Dieu, ou les bonnes mœurs, on ne les souffre pas représenter. […] S’il prend la peine de lire Theodoret, il verra que les fautes, lesquelles sont réprimées avec sévérité se rengrègentu d’autant plus que l’on croit les châtier ; la liberté qui nous est aussi naturelle que la vie ne peut souffrir de contrainte, dit S. 

40. (1765) Réflexions sur le théâtre, vol. 3 « Chapitre I. Est-il à propos que la Noblesse fréquente la Comédie ? » pp. 3-19

Il tend des pièges, et se moque de celui qui s’y laisse prendre, et ne prévoit pas qu’il souffrira un jour des mêmes passions qu’il a allumées pour en abuser. » Les Grecs, il est vrai, dans le premier âge de la comédie, n’épargnaient pas même les plus grands de la République. […] Il ne faut que voir avec quelle rampante bassesse on souffre dans les foyers, dans les coulisses, sur le théâtre, leur indiscrétion, leurs familiarités, pour juger si on oserait leur donner des leçons. […] Les mêmes raisons lui font souffrir dans le sanctuaire des oraisons funèbres, qui quelquefois ne sont qu’un tissu de flatteries profanes. […] » Un jour il demandait au Duc de Montpensier ce qu’il pensait de ces opérase : « Je pense, répondit-il, que Votre Majesté mérite tous les éloges qu’on lui donne, mais je ne puis comprendre comment elle peut souffrir qu’ils soient chantés par une troupe de faquins dans le temple du vice et de la débauche. » Quelle vertu, quelle vérité, quelle fermeté ! […] Je ne sais si nos plus grands amateurs voudraient de pareilles obsèques ; leurs familles le souffriraient-elles ?

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