Mais tout cela, dira-t-on, paroît sur les théâtres comme une foiblesse, je le veux : mais il y paroît comme la foiblesse des Héros & des Héroïnes ; enfin, comme une foiblesse si artificieusement changée en vertu, qu’on l’admire, qu’on lui applaudit sur tous les théâtres, qu’elle doit faire une partie si essentielle des plaisirs publics, qu’on ne peut souffrir de spectacle ou non-seulement elle ne soit, mais encore où elle ne regne & n’anime toute l’action. […] Quoi qu’on veuille dire que le théâtre ne souffre plus rien que de chaste, & que les passions y sont traîtées de la maniere du monde la plus honnête, je soutiens qu’il n’en est pas moins contraire à la réligion Chrétienne, & j’ose même dire que cette apparence d’honnêteté & le retranchement des choses immodestes le rend beaucoup plus à craindre. […] qui seroit assez endurci pour souffrir, sans horreur, toute l’impiété de ce langage ? […] Sommes-nous, disoit-il aux Idolâtres de son siécle, des ambitieux, des séditieux, des avares, des ennemis irréconciliables, nous qui ne pouvons souffrir, même sur vos théâtres, la seule représentation de ces vices ? […] Il est vrai, comme vous le dites, que le théâtre aujourd’hui purifie l’amour profane & ne forme que de légitimes nœuds : mais vous tournerez, vous dorerez en vain la passion ; c’est toujours cette malheureuse concupiscence que saint Jean défend de rendre aimable, puisqu’il défend de l’aimer ; c’est toujours cette concupiscence qui enflammée une fois, ne souffre jamais ou presque jamais de régle : le théâtre qui l’enflamme en la représentant réglée, la régle-t-il en vous ?
Mais le second inconvenient, qui ne souffre non plus de difficulté, est bien plus grand ; je vous prie d’y faire attention.