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21. (1758) Causes de la décadence du goût sur le théatre. Première partie « Causes de la décadence du goût sur le théâtre. — Chapitre XIII. De l’éducation des jeunes Poëtes, de leurs talents & de leurs sociétés. » pp. 204-218

De l’éducation des jeunes Poëtes, de leurs talents & de leurs sociétés. […] On a appris au Collége le méchanisme des vers ; on en fait dans le monde, on les répand, on s’insinue dans les sociétés. […] Il vole à sa société ; quelques Bourgeois qui ont appris l’art du Théatre en devinant les énigmes du Mercure, ou dans les petites Affiches, quelques femmeletes qui ont fait des logogryphes & des bouts-rimés, & qui se sont faits, en payant, comparer aux héroïnes du siécle dernier & du notre ; voilà le Tribunal auquel cette piéce est déférée.

22. (1765) Réflexions sur le théâtre, vol. 3 « Chapitre IV. Le Peuple doit-il aller à la Comédie ? » pp. 60-74

Ces grands politiques oublient-ils que ces intervalles de délassement, indépendamment du grand objet de la religion et de l’instruction des peuples, sont nécessaires à la santé du corps, qu’un travail continuel accable ; à la vigueur de l’esprit, que la continuité des occupations rend triste et sauvage : à la douceur de la société, dont ces moments de liberté et de plaisir resserrent les liens ; au travail lui-même, dont on se lasserait et se dégoûterait bientôt ? […] Veut-on sur le nombre des spectateurs, des représentations ou des théâtres, en rabattre la moitié, c’est beaucoup, mais je ne suis pas difficile ; reste donc vingt millions de journées par an perdues pour la société, encore même ne compté-je pas les Acteurs, Danseurs, Musiciens, Domestiques, etc. […] Cette multitude innombrable d’enfants qui devraient remuer le rabot ou tracer des sillons, s’amuse à lire et à écrire : on ne forme que des suppôts de chicane, des publicains avides, des rimailleurs oisifs, des littérateurs embarrassés de leur loisir et de leurs talents, à charge à la société, qui les nourrit, et qu’ils ne servent pas. […] est-il personne qui ne soit comptable de son temps et de ses talents à Dieu, à la société, à sa famille, et ne se rende coupable en les privant du service qu’il pourrait leur rendre par son travail ? […] Ceux mêmes qui allument le flambeau de l’hymen, énervés par la débauche, dissipés par une vie frivole, dégoûtés du travail et des affaires, n’ont la plupart, ne peuvent ni ne veulent avoir des enfants, n’ont aucun soin de ceux que le hasard leur donne ; ils ne savent leur donner qu’une éducation théâtrale, qui ne forme ni Magistrat, ni Militaire, ni artisan, ni laboureur, ni aucun genre de citoyen, mais des hommes frivoles, à charge à la société.

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