C’est par de telles raisons que la société des jésuites veut à tout prix se charger d’instruire les hommes, non pour les éclairer, mais pour les tromper, sans les rendre meilleurs, et enfin pour les démoraliser. […] On conçoit difficilement le succès de ces maîtres fourbes, et pourquoi dans les temps anciens, ainsi que les casuistes relâchés que la société de Jésus a vomis dans des temps plus modernes, ils réussirent à faire goûter si rapidement aux mondains, la morale la plus corrompue. […] Je le répète donc, il est injuste de condamner le peuple à l’ignorance : cette injustice est une mauvaise action, qui, dans aucune hypothèse, ne peut faire le bonheur de la société, ni devenir un bienfait politique, et encore moins servir de moyen pour mieux gouverner. […] Comment pourrait-on en effet se fier à ceux, qui sont profondément corrompus et démoralisés en religion comme en politique, à des sectaires qui propagent par système dans toutes les classes de la société, l’immoralité religieuse, l’immoralité politique et la corruption des mœurs ? […] Que le pape chasse les jésuites qui n’offrent qu’une société dangereuse, ou plutôt une secte désorganisatrice qui n’est en harmonie avec aucune autorité sur terre, pas même avec celle du chef de l’église, auquel plus d’une fois elle fit la loi, et dont les éléments tendent à la dissolution de tout ce qui lui résiste, et de tout ce qui lui est contraire.
Cette dissolution des mœurs publiques, qui avait déjà dans des rangs supérieurs un ancien foyer indicatif aussi de la route que pouvaient suivre les objets de cette autre leçon violente, est descendue, par la voie des spectacles, jusque dans les derniers rangs de la société. […] Une seule observation sur les assemblées qui ont succédé à celles-là, qui ont été la réforme de ces tribunaux de mœurs et de délicatesse, montre dans ce changement étonnant le funeste succès de ces différentes satires qui ont tout confondu, tout assimilé, innocents et coupables, punitions et délits ou fautes, travers et crimes, accusateurs, juges et exécuteurs, par lesquelles des personnes pures, seulement coupables de néologisme, ou de quelque travers, sont frappées de la même verge, subissent la même peine que des hommes pervers qui scandalisent la société par des vices honteux. On voit que ces assemblées postérieures se sont fait remarquer par la morale la plus relâchée, par le mépris de tous les principes qui font les bases des bonnes mœurs : on voit qu’elles ont fini par tirer vanité de leurs excès ; elles avaient pour centre et pour point de ralliement, dit un historien éloquent, un certain nombre de maisons opulentes, rendez-vous habituels de ce que la société avait de plus brillant dans les deux sexes ; elles étaient autant d’écoles de bon ton, de politesse et d’urbanité ; mais on y établissait de fausses bienséances sur les ruines des véritables devoirs. […] C’était une faction d’étourdis, de libertins, de femmes perdues ou insensées, qui croyaient gouverner la société lorsqu’ils en sapaient les fondements et préparaient des renversements, qui condamnaient les autres au ridicule quand ils ne méritaient eux-mêmes que le mépris. […] Ils peuvent d’autant moins se refuser à cet aveu qu’il leur est impossible de dire qu’il y ait eu un passage de mieux entre les deux situations, et que l’auteur ait conduit la société, un instant, à plus de perfection, et de ce bonheur qui est attaché à l’ordre et à l’harmonie générale.