Et toutefois il y a là une grave erreur ; car si l’on suit avec attention l’histoire dramatique des siècles postérieurs, il devient évident que c’est par une fâcheuse méprise qu’on a cru voir le berceau de nos comédiens modernes parmi ces troupes d’histrions anathématisés dès les premiers âges de l’ère chrétienne ; qu’on ne peut, sans mauvaise foi, les regarder comme les successeurs de ces derniers, et qu’il serait tout au plus permis de considérer comme tels ces acteurs en plein air, dont les parades précèdent dignement la représentation en cire de la Chaste Suzanne ou du Jugement de Salomon. […] Mais comme notre nation a toujours aimé le mot pour rire, on ne tarda pas à trouver que les mystères étaient un peu graves ; et les confrères, pour varier le spectacle, s’adjoignirent insensiblement quelques bons fils de famille ou enfants sans souci, comme il y en a dans tous les siècles, qui se chargèrent d’égayer ceux dont les saints tableaux avaient rembruni l’imagination ; de sorte qu’au seizième siècle s’introduisit presque généralement l’usage de représenter les histoires du Vieil et du Nouveau Testament avec la farce au bout, pour recréer les assistants. […] En faut-il davantage pour démontrer combien il est absurde de vouloir appliquer aux artistes de nos jours les foudres lancées par les évêques des troisième et quatrième siècles de l’ère chrétienne contre les bateleurs gallo-romains ?
Au mépris d’un axiome qui vient d’être promulgué presque officiellement sur la nécessité, en Europe, de l’entremise des ecclésiastiques appelés missionnaires dans les forêts du Nouveau Monde, l’auteur allègue les canons d’un concile auquel il ne manque presque rien pour être vieux de six siècles. « Il est ordonné aux évêques de prêcher par eux-mêmes, et non par d’autres. […] Une remarque suffit : si les dehors sont plus décents, et l’extravagance plus cachée, si les impressions religieuses sont plus souvent au fond de l’âme, au lieu de s’exhaler en simagrées, cessez de reprocher à notre siècle les travers qu’il n’a pas, ou de le féliciter insidieusement de ceux auxquels il se livre encore ; cessez de calomnier vos contemporains selon l’usage immémorial de ceux qui profèrent de vaines paroles.