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55. (1751) Avertissement (Les Leçons de Thalie) pp. -

Si nous cherchons parmi les Modernes de quoi appuyer encore ce sentiment, Rousseau nous dira : « Des fictions la vive liberté, Peint souvent mieux l’austère vérité, Que ne ferait la froideur monacale, D’une lugubre et pesante morale. » Ce n’est pas qu’on prétende ici justifier la Comédie dans toutes ses parties : il est un juste milieu entre deux excès également opposés ; les uns sans aucun examen condamnent absolument ce genre d’écrire comme contraire aux bonnes mœurs. […] Dans le second point de vue, la Comédie est un tableau où l’on voit des caractères, des portraits, une critique fine des mœurs, des exemples de vertu et des sentiments d’honneur, le vice démasqué, le sot orgueil confondu.

56. (1836) De l’influence de la scène « De l’influence de la scène sur les mœurs en France » pp. 3-21

Issu d’un sentiment religieux, l’art dramatique grossier, barbare, vague, inaperçu à son berceau dans les campagnes de l’Attique, grandit, paré de grâces, d’élégance, brillant de génie. […] Pas un trait poétique, pas une seule étincelle de génie ne jaillit de ces grossières profanations des mystères de la Foi ; les moralités, les farces, et toutes les plates compositions qui suivirent, présentent la même stérilité de pensée, de sentiment et de poésie. […] Aux accents impératifs du devoir dont Corneille avait rempli la scène, le Sophocle moderne fit succéder la voix touchante du sentiment ; intéressant le spectateur au combat incertain où l’amour et la vertu s’engagent. […] Si le sentiment règle toujours le goût et soumet généralement l’esprit à ses affections, qui peut assurer que les obscénités que l’on souffre aujourd’hui au théâtre, en se gravant dans la mémoire, ne finissent pas par corrompre la société ? […] Je ne puis m’empêcher de citer ici ce que le tragique le plus soumis aux sentiments de ses contemporains pensait du devoir des auteurs dramatiques envers le public ; en parlant de sa tragédie de Phèdre, Racine disait : « Les moindres fautes y sont sévèrement punies, la seule pensée du crime y est regardée avec autant d’horreur que le crime même.

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