Quant aux indécences et aux libertés de l’ancien théâtre contre lesquelles on ne trouve pas étrange que les Saints Pères se soient récriés, je dirai encore à notre confusion que les tragédies des anciens Païens surpassent les nôtres en gravité et en sagesse, ils n’introduisaient pas de femmes sur la Scène, croyant qu’un sexe consacré à la pudeur ne devait pas ainsi se livrer au public, et que c’était là une espèce de prostitution, j’avoue qu’il y avait souvent de l’idolâtrie mêlée et que leurs pièces comiques poussaient la licence jusqu’aux derniers excès, mais les nôtres sont-elles fort modestes, ce que vous appelez les farces n’a-t-il rien qui alarme les oreilles pudiques ? […] Qu’est-ce que tout l’effort de l’imagination des Poètes a pu jamais enfanter d’approchant, c’est là que vous verrez des villes prises, des combats singuliers, des batailles sanglantes, des renversements de Provinces et de Royaumes, de nouvelles Monarchies établies sur les débris des anciennes, des prodiges de valeur, tant de belles Scènes que Dieu lui-même a pour ainsi dire préparées, mais toute la conduite qu’il a tenue depuis le commencement du monde, n’est-ce pas une espèce de poème épique plein d’événements merveilleux, on y voit tout l’enfer déchaîné pour traverser et anéantir ses desseins adorables, le sacrifice d’une infinité de martyrs, des hérésies sans nombre, sorties du puits de l’abîme pour offusquer la lumière de la vérité, ses victoires, malgré l’oppression de ses défenseurs, tout se disposant aux noces de l’Agneau avec l’Eglise, qui se consommeront à la fin des siècles par leur union éternelle, et le spectacle lumineux de la vérité.
Car je tiens que ces deux choses ne diffèrent qu’en ce point que la Cour est une Comédie véritable et la Comédie est une Cour feinte, et en l’une et l’autre Scène ce n’est que masque et folie ; Ils eurent beau m’alléguer qu’il s'y trouvait de toute sorte d’Ecclésiastiques même des Religieux et qu’il ne se représentait rien devant leurs Majestés qui ne pût être représenté dans une Eglise tant la modestie et la gravité y étaient observées. […] Un des plus grands plaisirs de la Scène c’est quand il arrive par le cours de l’action que quelqu’un de ceux qui l’aiment doit être son mari, car alors sans feinte, sans masque et sans déguisement ils la courtisent sur le théâtre et font voir clairement avec combien de passion ils adorent cette beauté, et elle relevant son teintg et baissant ses yeux augmente sa beauté par sa pudeur et sa modestie : et en même temps elle est aimée de tous les spectateurs comme une vivante image de vertu.