Que des hommes dégradés par la cupidité, aient oublié qu’ils sont Chrétiens, qu’ils sont pères ; qu’ils voient de sang froid immoler leurs enfans aux pagodes dont les sacrificateurs leur en ont payé le prix ; c’est une infamie concentrée dans un petit nombre de citoyens avilis et dégénérés, que le public ne partage point et dont il ne peut être responsable. […] Eussent-ils songé seulement à s’éloigner des limites de leur patrie, s’ils avoient imaginé que les guerriers, dont le sang devoit cimenter la victoire, expireroient dans le camp d’un genre de mort vulgaire ? […] Avant que ces foyers de l’infection générale soient anéantis, il seroit aussi raisonnable de songer à purifier le sang humain, que de se flatter d’arrêter les ravages de la peste eu lui laissant une pleine liberté de répandre et de renforcer son poison. […] Rien ne rend l’homme dur et insensible comme les impressions de luxure ; mettant sa félicité dans cette jouissance brutale, il ne voit plus dans ses semblables que des machines propres à la faire naître. — Quand le peuple romain fut rassasié de spectacles mimiques, il lui fallut des gladiateurs ; il n’y avoit plus que le sang humain et l’aspect des cadavres mutilés qui pût lui donner un plaisir sûr. — Néron, Caligula, Héliogabale n’étoient des monstres de férocité que parce qu’ils étoient des monstres d’incontinence.
Jésus-Christ vous ordonne d’oublier les injures, de pardonner sincèrement à vos ennemis, de les aimer ; & vous applaudissez à un héros de théâtre qui vient se vanter d’avoir lavé dans le sang une insulte faite à sa gloire, & qui fait trophée de cette vengeance barbare. […] Les principes de votre religion ne vous inspirent que l’humanité & la douceur ; & vous vous repaissez du spectacle affreux d’une mère qui égorge ses propres enfans, d’un frère qui boit le sang de son frère. Ces Romains qui se plaisoient à voir couler dans l’arène le sang des gladiateurs étoient-ils donc plus cruels & plus coupables que vous ? La religion vous oblige de respecter dans les Rois l’image du Très-haut ; elle regarde comme un crime énorme tout attentat contre leur personne ou leur autorité : & vous vous plaisez à voir sur le théâtre le jeu criminel d’une révolte ou d’une conjuration ; vous applaudissez au fanatisme de ces fiers républicains implacables ennemis de la royauté ; vous les voyez sans horreur tremper leurs mains dans le sang du chef de la patrie.