On n’accusera pas les Saints Peres d’avoir été des Censeurs outrés, ni des Critiques trop austeres, quand on sçaura qu’il se passa un très-long espace de tems, avant qu’ils obtinssent la suppression des Bains publics, communs aux hommes & aux femmes, dans lesquels se trouvoient des femmes Chrétiennes. […] Une autre espece de Spectacles, qui, quoique bien moins abominables, étoient tout aussi dignes de la juste Censure des Saints Peres, étoit la Représentation des Mystères du Paganisme ; car quoiqu’aujourd’hui nous soyons peu touchés des Aventures de Jupiter, de Mars, &c. […] C’est dans ce principe que tant d’illustres Personnages, & tant de saints Docteurs, que l’on appelle Scholastiques, ont laissé entrevoir combien ils étoient indulgens à la Comédie. […] C’est la raison pour laquelle les sujets tirés des Ecritures Saintes, auroient dû n’y jamais paroître ; & c’est dans ce sentiment, sans doute, que, de nos jours, les Magistrats n’ont point permis le Moyse de M. l’Abbé Nadal, ni d’autres Tragédies modernes. […] Du côté de la Conscience, à maintenir, avec force, les Réglemens déjà établis, lesquels consistent : A ne point permettre de Piéces tirées des Ecritures Saintes, ainsi que plusieurs Magistrats s’en sont déjà déclarés.
Leurs Lois étaient-elles plus saintes et plus sévères que les nôtres ? […] Je ne parlerai ni des Saints Pères, ni du Prince de Conti, je m’en rapporterai au témoignage seul de la conscience et de la raison. […] Pouvez-vous vous empêcher de rire quand vous voyez des Patriarches de l’ancien Testament, ou des Saints Pères du nouveau, servir de Héros à une Tragédie ? […] Vous savez que c’est ainsi qu’en ont usé presque tous les Auteurs qui ont fait profession de n’introduire que des Saints sur le Théâtre. […] [NDE] Sur la question de la tragédie de martyrs, qui anime cette section du dialogue, voir Anne Teulade, Le Saint mis en scène.