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34. (1765) Réflexions sur le théâtre, vol. 4 « CHAPITRE VIII. De la Folie. » pp. 163-179

La plupart des noms des Acteurs sont forgés exprès pour faire rire par quelque idée ridicule. […] On ne veut, comme Rabelais dans son Pantagruel, que faire rire de tout, par les noms même ridicules qu'on donne. C'est à peu près tout le mérite de Scarron, chez qui la création ou l'assemblage de quelques mots, ou l'union de quelques idées qui ne sont pas faites l'une pour l'autre, présentent un burlesque, qui après avoir fait rire deux o trois fois, ennuie et le fait mépriser : mérite méprisable dont se piquent ordinairement les Poètes comiques, qu'ils appellent talent de peindre par les sons, par mots pittoresques, et qu'ils empruntent le plus souvent des harangères, nation féconde en sobriquets, la plupart aussib as que celles qui les donnent et ceux qui s'en servent. […]  » Qui voudrait donner son suffrage à des absurdités et des impertinences, à des rêveries et des chimères, à des raisonnements faux, des réflexions insensées, et des paroles sans liaison, sans ordre, sans suite, qui surprennent par leur bizarrerie, font rire par l'excès de ridicule ? […] On regarde en pitié ces jouets infortunés de la faiblesse humaine, on rit de leurs saillies, de leurs caprices, de leurs ridicules ; l'un est Jupiter, l'autre Alexandre ; celui-ci est Roi, celui-là Magicien ; il est riche, savant, héros, etc.

35. (1752) Traité sur la poésie dramatique « Traité sur la poésie dramatique — CHAPITRE II. Histoire de la Poësie Dramatique chez les Grecs. » pp. 17-48

Thespis trouva le succès de ses mascarades dans cette facilité que nous avons de rire avec ceux qui rient, & de pleurer avec ceux qui pleurent, Ut ridentibus arrident, ita flentibus adsunt Humani vultus. […] Et comme il lui fut aisé de remarquer qu’il étoit beaucoup plus facile de faire pleurer ses Auditeurs que de les faire rire, il s’attacha à exciter la Pitié par des récits d’avantures tristes & cruelles, & ce Spectacle paroissant noble fut bientôt reçu à Athenes, tandis que le Spectacle où l’on ne disoit que des choses boufonnes & grossieres, resta dans les Villages. […] Il falloit faire rire le Peuple ; & les meilleurs Poëtes furent obligés de s’abaisser à composer de pareils Ouvrages, qui ne furent jamais assez estimés pour qu’on ait pris soin de les conserver à la Postérité, puisque dès le huitiéme siécle, comme on voit par un passage d’Eustathe sur l’Odyssée, il ne restoit plus de ces Piéces que le Cyclope d’Euripide. […] Après avoir fait rire le Peuple par ces Piéces Satyriques dont j’ai parlé, par des Silles, ainsi nommées du Dieu Silene qui y paroissoit, & par des Parodies dans le goût des nôtres ; les Poëtes chercherent un genre de Poësie destiné à faire rire, qui fût plus régulier, & entreprirent de donner la forme de la Tragédie à un Poëme qui seroit une imitation en Dialogues des Actions ordinaires de la vie Civile.

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