Se croirait-on ridicule d’être humain comme Alvarès, et vertueux comme Burrhus ? […] Le gigantesque qui est ridicule au théâtre, le serait dans la société : j’en conviens. […] Le Misanthrope exempt de ridicule, serait tombé : M. […] Molière aurait donc bien manqué son coup, s’il eût voulu rendre la vertu ridicule. […] Le Misanthrope déraisonne et devient ridicule, non pas dans sa vertu, mais dans l’excès où elle donne.
S’il n’était pas assez prouvé que surtout le sujet de la comédie du Tartufe est essentiellement vicieux, que sa représentation n’était propre qu’à frapper de ridicule la pratique des vertus, à nous en faire honte, à nous démoraliser, on pourrait jeter un nouveau jour sur cette question, et achever de rendre sensible le défaut radical que j’y relève, en faisant un rapprochement entre cette pièce et d’autres du même genre. […] imaginaire ; or, il est évidemment possible d’éviter, sans se dégrader, les ridicules de ces trois personnages livrés au tribunal de l’opinion publique. […] Au surplus, la paix dont l’on aurait pu jouir sous ce caractère ne pouvait pas être de longue durée, puisque la misantropie a été mise aussi en spectacle et vouée au ridicule ; que depuis cette époque le mot misantrope est devenu synonyme de ceux de bourru, d’homme sauvage, d’ours, etc. […] Je voudrais pouvoir faire sentir le ridicule et le danger de cette manie de faire des monstres à figure humaine. […] On a dit dès lors à peu près comme on dit aujourd’hui en leur faveur, que les ouvrages dramatiques sont la plus précieuse, la plus salutaire, la plus substantielle nourriture qu’on puisse donner à notre âme et à notre esprit ; qu’on trouve dans leur recueil un cours complet de morale, les tableaux touchants des plus sublimes vertus, la peinture fidèle des mœurs, les observations les plus profondes sur les faiblesses humaines, les travers et les vices combattus avec l’arme du ridicule par des satires sanglantes ; les grands hommes ressuscités avec leur caractère, et leurs formes imposantes.