On a cru jusqu’à present que les ridicules des vices étoient le fondement essentiel sur lequel devoient porter toutes les instructions comiques, & l’on n’a pas fait attention que cette méthode étoit diamétralement opposée au but de la Comédie ; car en s’attachant principalement à ne jouer que les ridicules des vices, il est évident qu’on néglige le son du vice : il est encore évident qu’on n’inspire aux hommes de l’horreur que pour les ridicules, pendant qu’il faudroit leur en inspirer pour les vices. Qu’on analyse d’après ce principe, la plupart de nos Comédies, & l’on en tirera cette maxime générale, que l’exemption du ridicule est tout ce que la société exige de nous ; & moi je pense au-contraire qu’on peut sans danger laisser subsister les ridicules, mais qu’on ne peut pas de même laisser subsister les vices. […] Avant de répondre à cette objection, il est à propos que je m’explique sur ce que j’entends par l’exclusion du ridicule ; je ne prétends pas interdire à la Comédie la peinture du ridicule qui se trouve dans les vices qu’elle attaque, pourvu que ces vices ne soient tels que parce qu’ils sont ridicules ; mais lorsque les vices qu’elle attaque sont dangereux, elle ne doit point leur prêter pour amuser les Spectateurs, un ridicule qui ne serviroit qu’à affoiblir l’horreur qu’on en doit concevoir : de plus, si la Comédie veut se renfermer exactement dans les bornes qui lui sont prescrites, c’est-à-dire, si elle veut corriger les hommes, elle n’attaquera que des vices essentiels, c’est-à-dire, ceux dont les suites sont funestes à la société, & laissera aux Théâtres de la foire saint Germain, le soin d’amuser le peuple par la peinture des vices ridicules. […] En excluant de la Comédie la peinture du ridicule, je ne la prive donc pas d’un grand avantage, puisque la peinture du ridicule ne produit d’autre effet, que de supprimer les ridicules, ce qui est fort peu de chose en comparaison du but que la Comédie doit se proposer. […] Marmontel, la Comédie bornée à jouer de petits ridicules, c’est-à-dire de petits riens, qui quand ils disparoîtroient ne rendroient pas les hommes meilleurs.
Les autres se voulant défendre, achèvent le caractère du saint Personnage, mais pourtant seulement comme d’un zélé indiscret et ridicule. […] Panulphe : de sorte que le venin, s’il y en a à tourner la bigoterie en ridicule, est presque précédé par le contrepoison. […] Pour connaître ce Ridicule il faut connaître la Raison dont il signifie le défaut, et voir en quoi elle consiste. […] Or si la disconvenance est l’essentiel du Ridicule, il est aisé de voir pourquoi la galanterie de Panulphe paraît ridicule, et l’hypocrisie en général aussi ; car ce n’est qu’à cause que les actions secrètes des bigots ne conviennent pas à l’idée que leur dévote grimace, et l’austérité de leurs discours a fait former d’eux au public. […] La raison de cela est que, si le Ridicule consiste dans quelque disconvenance, il s’ensuit que tout mensonge, déguisement, fourberie, dissimulation, toute apparence différente du fond, enfin toute contrariété entre actions qui procèdent d’un même principe, est essentiellement ridicule.