L'Auteur s’est contenté la plupart du temps de rapporter à peu près les mêmes mots, et ne se hasarde guère à mettre des vers: il lui était bien aisé, s’il eût voulu, de faire autrement, et de mettre tout en vers ce qu’il rapporte, de quoi quelques gens se seraient peut-être mieux accommodés; mais il a cru devoir ce respect au Poète dont il raconte l’ouvrage, quoiqu’il ne l’ait jamais vu que sur le théâtre, de ne point travailler sur sa matière, et de ne se hasarder pas à défigurer ses pensées, en leur donnant peut-être un tour autre que le sien. […] C'est ce qu’on a cru devoir dire par avance, pour la satisfaction des gens sages, et pour prévenir la pensée que le titre de cet Ouvrage leur pourrait donner, qu’on manque au respect qui est dû aux Puissances : mais aussi, après avoir eu cette déférence et ce soin pour le jugement des hommes, et leur avoir rendu un témoignage si précis de sa conduite, s’ils n’en jugent pas équitablement, l’auteur a sujet de s’en consoler, puisqu’il ne fait enfin que ce qu’il croit devoir à la Justice, à la Raison et à la Vérité.
A qui craint-on de manquer de respect ? […] En vous accordant (ce qui n’est point mon avis) qu’un Ecrivain Philosophe doit quelquefois dissimuler sa pensée par respect pour sa Nation, vous conviendrez du moins qu’il doit ce respect seulement à la génération qui existe, & qu’il ne doit que la vérité aux générations qui ne sont plus. […] Seroit-ce lui manquer de respect que de l’éclairer ? […] Vous voyez bien que j’ai tout au plus accusé la Nation Françoise du seizième siècle, & non pas la Nation Françoise actuelle, à qui seule je dois obéissance & respect. Vous voyez encore que si j’avois attaqué les erreurs de la Nation Françoise actuelle, bien loin de lui manquer de respect, j’aurois fait le devoir d’un bon Citoyen.