C’est avec raison qu’on a blâmé Euripide d’avoir représenté Médée, qui égorgeait ses propres enfants ; il faut avoir l’âme barbare pour pouvoir souffrir un spectacle si horrible. […] Eschyle, ni Sophocle n’y ont pas regardé de si près ; ils ont représenté Oreste poignardant Clytemnestre sa mère, sur le Théâtre : quelque sujet qu’il eût de la haïr, il n’y a point de raison, qui puisse autoriser un fils à commettre un parricide, et à tremper ses mains dans le sang de sa propre mère. […] Le premier représente Achille, qui remplit l’air de ses cris, et qui se désespère, non pas de la mort de son ami Patrocle, mais de ce que les mouches s’attachaient à son corps, et suçaient le sang de ses plaies. […] Sur ce principe il ne faut pas, sans nécessité, représenter une fille vaillante, qui fasse des actions de Héros ; ni une femme savante qui dogmatise au milieu des Docteurs, ni un valet instruit des secrets de l’Etat, qui donne des leçons de la politique la plus raffinée ; car quoique cela puisse arriver, ces exemples choquent la vraisemblance ordinaire. […] Que si l’on trouve quelques Canons de Conciles, et quelques anciens Rituels, qui défendent d’administrer les Sacrements aux Comédiens, ces Canons et ces Rituels ne censurent que les Comédiens scandaleux, qui représentaient des Comédies infâmes avec des postures indécentes.
Lorsqu’il fallait que le visage de l’Acteur éxprima les passions qui l’agitaient, il en était redevable à son masque, qui, vu de profil, représentait d’un côté la joye, de l’autre la tristesse. […] Ce n’est pas seulement en portant la parole que l’Acteur doit éxprimer les passions du Personnage qu’il représente ; il faut qu’il se persuade que pendant le tems qu’il est sur la Scène, tout ce qui s’y passe ne saurait lui être indifférent : ne serai-ce que dans l’instant qu’il parle, qu’il doit paraître ému, agité ? […] Combien l’Acteur doit s’éfforcer d’être naturel & de paraitre le Personnage qu’il représente. […] Je peux croire d’abord qu’il est réellement le Personnage qu’il représente.