Mais dans cette rigueur qu'ils exercèrent contre eux, ils ne comprirent jamais les Atellans, les Comédiens, ni les Tragédiens ; ceux-ci furent toujours bien estimés et bien reçus des Magistrats les plus puissants, des personnages les plus illustres, et de tous les gens d'honneur ; l'excellence de leurs Ouvrages, la beauté de leurs Représentations, et l'honnêteté de leur vie qui les distinguait des autres Acteurs, leur fit recevoir un traitement bien dissemblable ; et c'est en quoi presque tous les Ecrivains des derniers siècles se sont abusés. […] Mais pour donner encore plus de jour à l'explication de ces vieilles autorités, il en faut apporter qui ne puissent recevoir de contredit, employer des démonstrations infaillibles et non pas des conjectures, et faire voir par des preuves convaincantes que les Ecrivains des derniers siècles, qui ont étendu l'infamie des Scéniques, jusques sur les Représentateurs des Poèmes Dramatiques, n'ont jamais eu l'intelligence du Théâtre des Romains. […] Et pour dire en passant un mot du mauvais traitement que les Histrions et Scéniques ont reçu quelquesfois des Empereurs, ou verra toujours, si l'on prend bien garde aux Auteurs qui nous en parlent, que cela ne s'adresse qu'aux Bateleurs et Bouffons, et non pas aux Acteurs des Comédies et Tragédies « In Pantominis adversatur et damnata effeminatas artes. » Plin. in Paneg.
Tout le monde applaudit, la piéce est reçue d’une voix unanime, sans en avoir entendu la lecture ; mais, dit l’acteur méchamment, ou si l’on veut modestement, ce n’est qu’un canevas dont les rôles doivent être remplis à l’improviste. […] Pendant la représentation, le poëte demeura modestement sur le théatre, pour recevoir l’encens des applaudissemens. Le premier acteur, sans récueillir les suffrages, prend la parole, à la fin de la piéce, c’étoit dans son rôle, s’érigeant en juge souverain, il prononce sur son mérite, & la déclare digne de la plus brillante couronne, une couronne de laurer descend du Ciel, le premier acteur la reçoit, & la pose sur la tête du poëte, qui s’y étoit préparé, & l’attendoit avec humilité ; il la reçut avec joie. […] Il doit au contraire, selon les loix & l’esprit du théatre, être aux genoux de la reine des cœurs, & recevoir d’elle la couronne, comme une faveur. […] Ces loix antiques ont été renversées, le Chevalier étoit vaincu, le parterre, juge du combat, l’avoit sifflé, & sa maîtresse reçut, au lieu de donner, la couronne ; elle avoit remporté la victoire.