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149. (1744) Dissertation épistolaire sur la Comedie « Dissertation Epistolaire sur la Comedie. — Reponse à la Lettre précedente. » pp. 19-42

Je vous avouë pour cette raison, que j’ai cherché moi-même des temperamens pour sauver ce qu’on doit à Jesus-Christ, sans exposer ces Dames à la raillerie des insensés, & sans troubler les delices des autres. […] Quelle esperance pourra avoir cette personne, que le raison de la celeste lumiere éclairera son esprit dans l’oraison, & que la dureté de son cœur sera amollie par l’operation du Saint Esprit, tandis qu’elle ne remporte de la Comedie qu’une tête pleine de douces & charmantes idées, remplie de toutes les passions folles & imaginaires, que la declamation d’un Comedien folâtre lui a pû représenter ? […] Je suppose, qu’elle ne méne pas une vie libertine ; la raison lui donne trop de lumiere, pour qu’une telle vie ne lui fasse horreur. […] Si un Pere ne remplit pas les dévoirs d’un Pere Chrêtien, lorsqu’il n’éloigne pas d’auprès de ses enfans les livres dangereux ; à combien plus forte raison lui est-il defendu de donner des préceptes à sa Fille, qu’elle s’expose à faire les prémiers naufrages de son innocence ? […] Tout se reduit donc à une simple tolerance, dont il n’appartient pas à des suiéts de vouloir approfondir les secretes raisons.

150. (1752) Traité sur la poésie dramatique « Traité sur la poésie dramatique —  CHAPITRE X. Des six parties de la Tragédie, suivant Aristote. Examen de ces six parties dans Athalie. » pp. 260-315

L’Action est le rétablissement de Joas sur le Trône de ses Peres, usurpé par Athalie : & par cette raison, cette Piéce, comme le dit l’Auteur dans sa Préface, devroit être intitulée Joas. […] C’est par cette raison que les Tragédies Grecques ne finissent jamais par des chants, mais par une Réflexion morale. […] Il ne falloit pas frapper un grand coup pour l’abattre, la nôtre a su résister au même coup, nous avons su conserver notre raison pour goûter la Tragédie, & nous sommes comme convenus que quand nous irions à l’Opera abandonner nos sens aux charmes de l’harmonie, nous laisserions notre Raison à la porte ; par conséquent ce Spectacle quand il est long ennuie, parce que, suivant Saint Evremond, où l’esprit a si peu à faire, c’est une nécessité que les sens viennent à languir : c’est en vain que l’oreille est flattée, & que les yeux sont charmés, si l’esprit n’est pas satisfait. […] Mais on dira que toutes ces raisons poëtiques ne sont pas faites pour un Spectacle entiérement consacré à la Musique, ni pour un Poëme où le Poëte ne peut donner aux Passions leur jeu nécessaire, ni à ses Vers l’harmonie & la force, & qui par conséquent peut bien, comme Quinaut, se vanter d’avoir fait un excellent Opera ; mais ne peut jamais se vanter d’avoir fait un bon Ouvrage. Le succès de ce Spectacle inventé dans l’Italie, & répandu ensuite par tout, prouve l’empire de la Musique sur les hommes, empire qu’elle excerce aux dépens de la Poësie, de la raison, & des mœurs.

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