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205. (1733) Theatrum sit ne, vel esse possit schola informandis moribus idonea « Theatrum sit ne, vel esse possit schola, informandis moribus idonea. Oratio,  » pp. -211

Peut-être après quelques réflexions, ne trouverez-vous pas entre cet art & le vôtre un intervalle aussi grand que vous pourriez le penser. […] Prenons-nous en même à ceux qui épargnant aux oreilles la grossiereté des paroles, s’étudierent à envelopper l’obscénité du voile transparent de l’équivoque ; sans faire réflexion que la plaisanterie, qui se cachant pour paroître, semble dire & ne dire pas, est plus dangereuse que la grossiereté exposée sans ombre de déguisement. […] Est-il vrai-semblable qu’il y ait beaucoup d’Acteurs qui sacrifient aux bonnes mœurs les talens de la nature, les réflexions de l’art, le fruit de l’experience ?

206. (1770) La Mimographe, ou Idées d’une honnête-femme pour la réformation du théâtre national « La Mimographe, ou Le Théâtre réformé. — [Première partie.] — Huitième Lettre. De la même. » pp. 100-232

Je sais bien que l’usage qu’on en fait est d’une grande commodité, pour qu’un Personnage révèle aux Spectateurs ce qui se passe dans son âme, lorsque ses réflexions produisent des événemens qui ne doivent pas être pressentis par ses Interlocuteurs : mais qu’on trouve un autre moyen d’imitation, celui-là n’en est pas un, & doit être rejetté : le monologue ne convient que dans l’emportement, ou toute autre agitation assez violente pour détruire l’empire de la raison : ailleurs, il est invraisemblable. […] Mais il faut ici distinguer : l’homme sans instruction ne pense que d’après les autres ; il en tire le plus de jugemens qu’il peut, pour s’éviter la peine de les former, par la comparaison & la réflexion : il est à présumer que comme les travaux corporels diminuent la faculté de combiner les idées, & que toute occupation fatiguante abrutit, l’homme de peine aime mieux avoir recours à sa mémoire, que d’exercer sa judiciaire ; il est ravi de trouver des formules toutes faites qui l’en dispensent ; ces formules, outre qu’elles sont universellement reçues, n’exposent pas son amour-propre ; vraies ou fausses, elles sont avouées, & foudroient celui contre qui on les lance. […] Si les Grands, si les Princes ne naissaient que pour eux-mêmes, on aurait raison de leur épargner toute réflexion desagréable ; mais ils sont faits pour la société, & cette société ne doit rien négliger pour se les rendre utiles. […] Je conviens de la justesse de cette réflexion ; mais mon accusation, n’en est pas moins bien fondée.

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