Cela fait voir qu’il n’y avait guère de distinction entre ces deux Professions. Il semble que c’est une chose assez inutile de disputer davantage là-dessus, et qu’on peut tout d’un coup retrancher la Question en remontrant, Qu’en ce qui est des Histrions et des Comédiens Romains, Tragiques ou Comiques, les uns ne valaient pas mieux que les autres, et que leurs Pièces les plus modestes avaient des emportements que nous ne saurions approuver ; C’est pourquoi la conséquence que l’on tire de tout ceci en faveur de nos Comédiens, n’est pas fort favorable, de dire, Que puisqu’ils représentent des Tragédies et des Tragi-comédies à l’imitation des Anciens, on les doit tenir dans l’estime comme eux, et assister à leurs Représentations comme à des Spectacles importants ; car si l’on montre que les anciens Comédiens ne faisaient aucune difficulté dans leur Religion de jouer des Pièces de mauvais exemple, on s’imaginera donc que ceux qui sont aujourd’hui de la même Profession prennent une licence pareille ; Que cela se voit dans leurs Pièces les plus régulières, et principalement dans d’autres composées exprès pour être plus libres. […] Il souhaitait aussi qu’on dressât une Académie de jeunes gens bien choisis pour les Représentations, afin que les Comédiens ne fussent plus des hommes que la débauche ou la pauvreté aurait jetés à cette profession, et dont la vie eût quelque chose de répréhensible ; mais qu’étant sages et bien instruits il n’y eût rien en eux que de louable, et que cela parût extrêmement en leur action modeste, et leur prononciation bienséante. On ajoute une proposition assez judicieuse qui est, que comme l’on examine toute sorte de Livres avant que de permettre de les imprimer, et de les communiquer au public, il faudrait qu’il y eût un Magistrat qui examinât, ou qui fît examiner par Gens experts, les Pièces que l’on voudrait faire jouer devant le peuple, afin que leur représentation ne pût nuire à personne : Mais des Censeurs inexorables diront que d’ériger une Académie pour les Comédiens, ce serait autoriser leur Profession, comme si elle était fort nécessaire au public ; Et pour ce qui est du reste, qu’au lieu de donner la peine à un Magistrat d’examiner les Comédies dignes d’être représentées, il vaudrait mieux les condamner entièrement ; Que par ce moyen on ne craindrait ni brigue, ni surprise, et l’on ne se mettrait point au hasard d’en recevoir du dommage.
Etant ouvriers ils ne songent qu’à gagner leur vie en exerçant un métier et une fonction que d’autres feraient : ainsi on pourrait dire à ces ouvriers de se tenir en repos, et de rejeter la faute sur ceux qui abuseraient de leur profession. […] Si un Comédien veut embrasser la foi, il doit auparavant quitter son exercice44. « Que si nonobstant cet interdit et cette défense il voulait exercer sa profession, qu’il soit chassé hors de l’Église. […] » Il avait dit une ligne auparavant : « de sorte que si ceux qui vaquent à ces bouffonneries deviennent meilleurs, la profession de ces Comédiens s’anéantira ». […] De plus, il semble qu’après l’exemple de tant de personnes distinguées par leur caractère et leur profession, qui y vont, il n’y a plus tant de péché à y aller pour les Séculiers. […] Ainsi on doit conclure que les Comédiens par leur profession comme elle s’exerce, sont en état de péché mortel ; c’est-pourquoi on ne doit point les absoudre, s’ils ne promettent de quitter leur profession.