Les danses, la symphonie, les spectacles, les vers tendres et passionnés n’inspirent que des sentiments profanes, et directement opposés aux maximes de la Morale Chrétienne, puisque le but de la Comédie, et la principale intention des Comédiens est de donner du plaisir en remuant les passions, et principalement celle de l’amour ; car c’est celle qui règne davantage dans les Comédies ordinaires. […] Les partisans de la Comédie avouent de bonne foi, que les Pères et les Conciles se sont opposés, autant qu’ils ont pu, à ces Représentations profanes, où le peuple courait avec tant d’avidité ; mais ils prétendent que l’on n’en peut rien conclure au préjudice de la Comédie moderne, où l’on observe toutes les bienséances dans la dernière rigueur, et d’où l’on a banni absolument toutes les libertés, et toutes les obscénités de l’ancien Théâtre : Ils disent que non seulement la Comédie d’aujourd’hui n’est pas une mauvaise école ; mais qu’elle peut même contribuer à réformer les mœurs, en exposant à la censure et à la risée, les vices et les faibles des hommes ; ces peintures satiriques font souvent plus d’impression sur leur esprit, que ne feraient des exhortations plus sérieuses ; car s’ils veulent bien être vicieux, ils ne veulent point être ridicules.
Le profane vulgaire, animal sans yeux, sans réflexion, sans jugement, prit ce genre honteux sous sa protection, & par son affluence journaliere aux Trétaux, parut le consacrer. […] Oui, Monsieur, c’est dans ces cercles profanes où le venin de leur morale se communique de proche en proche, que l’on apprend qu’il est permis d’entretenir un commerce adultere, de séduire de jeunes personnes dont la vertu fait le bonheur de toute une famille ; c’est-là que l’on apprend que mon épouse, que ma fille, peuvent briser, tout-à-coup, les liens sacrés qui les attachent à moi, qu’elles peuvent se livrer au premier séducteur qui se présente, & qui leur prouve que loin de me rien devoir, c’est moi qui leur ai obligation de ce qu’elles veulent bien accepter la substance que je leur procure à la sueur de mon front, & l’hommage des sentimens que l’amour & la nature ont gravé pour elles au fond de mon cœur. […] Que ces Auteurs profanes & licentieux se rappellent, à leur confusion, ces vers du célebre Boileau : Je ne puis estimer ces dangereux Auteurs, Qui de l’honneur, en vers, infames déserteurs ; Trahissant la vertu sur un papier coupable, Aux yeux de leurs Lecteurs rendent le vice aimable. […] Si tous ces individus qui s’adonnent aux arts profanes, aux arts pestilentiels & corrupteurs ; si tous ces fainéans, dont un seul consomme le produit du travail de deux Ouvriers ; si tous les gens de luxe & de bonne chere s’attachaient à l’exercice des seules professions indispensables, on conçoit sans peine le peu de tems qu’il leur faudroit pour nous fournir tout ce que les besoins, les commodités & même les plaisirs naturels & honnêtes, peuvent Utopie de T.