Après s’être gaussé des choses séculières, on se raille des choses les plus saintes, de la confession, de la prédication ou des images, des cérémonies de l’Eglise et des personnes sacrées ; on y mêle les paroles même de la Bible, on profane ce qu’il y a de plus saint et de plus auguste en l’Eglise ; les serviteurs, les servantes et d’autres personnes qui ont l’esprit faible, entendant ainsi parler avec mépris des choses saintes, perdent le respect, la vénération et l’estime qu’ils en avaient ; ils s’accoutument à les considérer comme des choses profanes, indifférentes et de petite conséquence, ils tombent en un état d’insensibilité et d’endurcissement ; ce qui fait qu’ils se confessent, qu’ils communient, qu’ils prient Dieu et qu’ils entendent les sermons par manière d’acquit.
Mais quelque spécieux que soit le prétexte dont les auteurs de ces pièces veuillent se couvrir, et quelque pures et saintes que puissent être leurs intentions ; il y a néanmoins tant de mélange dans leurs ouvrages, et les Saints qu’ils font paraître sur le théâtre y témoignent tant de faible touchant l’amour, qui est la passion dominante des comédies, qu’il est bien difficile qu’on ne prenne pas le change, et qu’au lieu de sanctifier le théâtre par les actions des martyrs que l’on y représente, on ne profane la sainteté de leurs souffrances par les fictions amoureuses que l’on y mêle. […] Et le jeune homme qu’elle aime, tout chrétien qu’il est, et prêt de souffrir la mort pour la défense de la foi et de la pureté même de cette Sainte, ne laisse pas de lui persuader d’épouser ce jeune Prince païen qui l’aime, et de la faire assurer de sa part que, « C’est tout ce que veut d’elle Le souvenir mourant d’une flamme si belle. » De sorte que si l’on voit dans cette pièce en la personne d’une Sainte, la foi triomphante des supplices les plus honteux ; on y voit en même temps l’amour profane triompher de plusieurs misérables qu’il s’est assujettis, et poursuivre jusqu’à la mort une Sainte Vierge, et un généreux martyr. […] « Si c’est zèle d’amant ou fureur de Chrétien. » Et quoique le Saint déclare lui-même ensuite qu’il n’a agi dans cette occasion que par un motif de générosité chrétienne, cela paraît mêlé de tant de paroles tendres et passionnées, et de tant de circonstances qui tendent à détourner l’esprit de cet égard, et à le porter vers l’amour profane, que tout ce qui reste dans l’esprit des spectateurs est une haute idée pour la forte passion que cet Amant a eue pour la personne qu’il aimait. […] Mais plutot voilà comme on fait servir dans les comédies la générosité et la charité chrétienne, que les Saints ont fait paraître dans leurs actions, à relever l’éclat de l’amour profane, à en donner de l’estime, et à en exciter les flammes dans le cœur des spectateurs. […] Augustin a dit, sur ce qu’on l’avait exercé en sa jeunesse à réciter les fables des Poètes, « qu’il y a plusieurs manières différentes de sacrifier aux Anges rebelles » ; et que si les comédies de notre temps ne se représentent pas en l’honneur d’un Mars, d’un Jupiter, et d’un Neptune, elles sont pourtant uniquement consacrées à l’amour profane, au plaisir de ceux qui les regardent, et à l’avarice et à la cupidité de ceux qui les représentent.