Le voilà pour lors dans la règle en partie ; mais, par un aveuglement inconcevable, ce même Public, qui se range, par caprice, du parti des bonnes mœurs, a une prédilection marquée pour la passion d’amour ; il n’en apperçoit pas les dangereuses conséquences, et il passe légérement sur tout ce qu’elle peut avoir de funeste ; parce qu’il aime cette passion, dans quelque état qu’on la lui présente.
L’étude des Philosophes leur fera naître des doutes, & leur fournira en même temps les moyens d’en trouver la solution ; la lecture des Historiens leur apprendra à connoître l’homme dans toutes ses variétés ; les Orateurs leur présenteront le modele de la façon dont on doit s’énoncer dans les occasions importantes ; les Rhéteurs leur découvriront les secrets de l’art de dominer sur les esprits ; les Poëtes eux-mêmes contribueront de plus d’une manière à les enrichir : ils leur offriront la Nature embellie des charmes de leur imagination, & leur prodigueront des maximes puisées dans le sein de la Philosophie ; & qui, pour n’être pas entiérement développées, n’en sont souvent que plus propres à faire une vive impression. […] Puisque leur étude principale se réduit à la connoissance de l’homme, la Société leur présentera toujours des Livres vivans, & ils ne doivent plus appréhender d’y rester oisifs dès qu’une fois ils auront acquis l’art d’observer. Enfin, munis de tous les secours que pouvoit leur fournir la Théorie, ils desireront d’y joindre la Pratique, & se présenteront avec une modeste assurance, pour remplir les places auxquelles leur naissance les appelle.