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356. (1768) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre douzieme « Réflexions morales, politiques, historiques, et litteraires, sur le théatre. — Chapitre VII. Troisieme suite du Fard. » pp. 171-194

entr’autres une espece de drame, où en différentes scénes, les plaisirs tranquilles & les plaisirs turbulents, l’étourdi, les heures tranquiles disent de bonnes vérités, & peignent les amateurs des spectacles. Nous n’aimons que le bruit, le trouble & le fracas,         L’ordre pour nous n’a point d’appas, Quittez heures, quittez l’importune justesse,         Et n’exprimez que la vitesse,         Du tems dont vous marquez les pas ; Courons, agittons-nous, le repos nous ennuye,         Brusqu’ons le tems, passons la vie,     Le tems qui suit, ce que je fais, Tout rapide qu’il est, m’ennuye & m’inquiette,         Toujours je le regrette,         jamais je n’en jouis, Suivons le tems & sa vitesse extrême,             Il faut courir aussi vite que lui,         S’agiter, s’étourdir, & s’éviter soi-même ;                 Pour éviter l’ennui,             Tout est chagrin dans la vie,             Mais ce qui tient lieu de plaisir,         C’est de voler de desir en desir,             Hors l’inconstance tout ennuye. […] On blesse le cœur de deux manières, par le plaisir & par la douleur. […] Comment se plaire dans la croix, quand on veut goûter les plaisirs ?

357. (1768) Réflexions sur le théâtre, vol 7 « Réflexions sur le théâtre, vol 7 — RÉFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE SEPTIÈME. — CHAPITRE III. Théatre de S. Foix. » pp. 52-75

Encore même ne prend-il pas Adam & Eve dans l’état d’innocence ; l’idée de leur mariage & de leur sainteté, la présence de Dieu dans le Paradis terrestre auroit affadi l’assaisonnement du péché, qui fait le plaisir d’une passion criminelle. […] Il est vrai que la gloire d’être du goût & d’avoir servi aux plaisirs du serrail, flatteuse pour un Mahométan, ou pour un Comédien qui est ordinairement Mahométan d’inclination sur l’article, ne l’est guère pour un Chrétien, & que s’applaudir d’un succès qu’on devroit rougir d’avoir mérité, est bien contraire à l’esprit de l’Evangile. […] Cette idée favorite de notre Auteur, qui peint lui-même sous ces traits le caractère de ses productions, le développement naïf du plaisir qui règne par-tout, est la mollesse elle-même qui dédaigne les plaisirs bruyans, & s’endort voluptueusement dans les bras du vice. […] L’aventure de l’amour dans les Graces, qui ne sait ce que c’est qu’une femme, dans Lucinde, dans l’Oracle, qui ne sait ce que c’est qu’un homme, celle de deux filles dans l’Isle sauvage, à qui leur mere fait accroire qu’on devient blanc ou noir selon qu’on aime ou n’aime pas ; qu’on l’examine bien, ce n’est qu’un thème mis en trois façons ; mais en toutes l’excès du bonheur d’un jeune cœur qui peu à peu goûte l’amour pour la premiere fois, n’annonce & ne forme qu’un voluptueux délicat, qui ne s’enivre pas tout d’un coup d’un plaisir extrême, mais qui savoure lentement, & boit à petits coups la douceur de la volupté, & se satisfait en caressant son idée, & exaltant par degrés la passion.

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