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320. (1608) Traitté contre les masques pp. 3-36

Ie croy estre necessaire & non superflu si par vn sainct aduertissement ie reitere les sermons des Peres qui m’ont devancé, & de verité il ne sera ni pesant ni ennuyeux pour l’aduencement de nostre salut de dire souuent & souuẽt ouyr choses vtiles & agreables à Dieu : Partant mestres chers freres, vous retenans dans la foy & deuotion acoustumee, tenans la voye de religion & chemin de verité, fuyez les destours des erreurs et mesprisez les masques diaboliques : car l’ame fidelle qui souhaitte la compagnie des Anges nee doit se plaire aux illusions des demons, & entre les seruiteurs de Dieu il n’y a nulle participation de la lumiere auec les tenebres, de la verité auec le mensonge, & de l’honneur auec le deshonneur, comme nous instruict le docteur des Eglises, disant, quel accord y a il de Iesus Christ auec Belial ? […] Ils se couurent d’vn fac moüillé & au lieu de s’excuser ils s’accusent dauantage, & ce n’est pas parer aux coups que l’Eglise lance contre les mascarades, c’est se flatter, c’est se plaire en son mal : i’ose dire que te masquant tu faits cõme les Payens : ils masquoient en l’hõneur de leurs idoles croyãt qu’ils fussent vrais Dieux, & roy qui doit croire vn seul Dieu, te masque à la guise des idolatres & ne crois les Idoles, leur foy & creãce les excuse, la tienne t’accuse, en ce que tu fais les actes d’idolatres sans croire les idoles pour Dieux, & au lieu d’honnorer Dieu tu le deshonnore, & en faisant les actes des idolatres tu idolatres, & plus grieuemẽt que les idolatres mesmes : Dieu les auoit priuez de la lumiere de la foy & les auoit faict cheoir aux tenebres des vanitez, Dieu t’a esclairé & tu vis en tenebres. […] Donnons congé à ces folies qui nous attisent l’ire du ciel & attirent mille malheurs, car par des actions sales & deportemens insolens plaire à soy & au populaire, est vrayement desplaire à Dieu & aux sages : ramassons nos esprits que telles folies mettent hors de nous, & les ayans repris, considerons si ce ne sont pas folies de se mettre hors de soy & faire le fol pour honnorer la natiuité du sage des sages, de la sagesse mesme.

321. (1702) Lettre de M. l’Abbé de Bellegarde, à une Dame de la Cour. Lettre de Lettres curieuses de littérature et de morale « LETTRE. de M. l’Abbé de Bellegarde, à une Dame de la Cour, qui lui avait demandé quelques réflexions sur les pièces de Théâtre. » pp. 312-410

Son but principal est de plaire en instruisant : Pour cela il est nécessaire que le Poète choisisse quelque beau point d’histoire véritable, ou crue telle ; qu’il conserve les bienséances, les mœurs et les caractères ; qu’il exprime les sentiments en termes choisis, nobles, et convenables à sa matière. […] Une Amante passionnée n’estime que ce qui a du rapport à son amour, et ce qui le favorise ; méprise sa réputation, pourvu qu’elle puisse se satisfaire ; se moque des avis qu’on lui donne, quand ils s’opposent à sa passion ; sacrifie sa gloire et sa fortune pour plaire à l’objet de sa tendresse. […] Ils les accablent d’une foule de passages tirés des Conciles et des Pères, et même de la sainte Ecriture, qui sont autant d’anathèmes lancés contre la Comédie ; car ils la regardent comme une occasion prochaine du péché, puisqu’on y trouve tout ce qui peut plaire aux yeux, charmer les oreilles, et séduire le cœur ; en effet, disent-ils, le but des Comédiens est d’émouvoir les spectateurs, pour les faire entrer dans toutes les passions qu’ils représentent, et dont les âmes faibles se laissent aisément surprendre.

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