Elle pese vingt-cinq à trente livres, & traîne à terre plusieurs pieds. […] c’est la matiere d’un traité immense, & le travail d’un ouvrier habile, que les queues de cheveux qui parent la tête, comme celles de la robe, qui traînent aux pieds, le sont du savant caudataire. […] Il faut plusieurs personnes pour porter cette longue grandeur, & écarter tout aux environs, pour laisser un plus vaste espace, surtout quand il vient plusieurs queues à la file, ce qui allonge infiniment la procession, afin qu’on ne mette pas inconsidéremment le pied sur la grandeur, ce qui l’appetisseroit & la feroit tomber ; & ainsi un homme est arrivé long-temps avant sa robe. […] Les femmes, qui raccourcissent leurs robes autant qu’elles peuvent, pour faire briller la beauté de leur pied & de leur chaussure, arborent des queues. […] 3.° C’est encore une leçon de modestie, non-seulement par l’air sérieux & grave, qui bannit les legeretés, & l’embarras, & qui y met des entraves, mais encore parce que les habits cachent les pieds & la chausseute, & défigurent la finesse de la taille, graces, dont toutes les femmes sont très-jalouses ; aussi ont-elles grand soin de les faire relever par des petits Caudataires, qu’on instruit & qu’on exerce, & à qui on recommande de les tenir élégamment levées, pour ne pas priver le public de la vue de toutes ces beautés, & les Dames à queue de la gloire qui leur en revient, & des conquêtes qu’elles peuvent faire.
En attendant il en a été l’antidote : on est allé de l’église à la comédie, ç’a été la derniere station de la procession, les acteurs ont pris la place du prédicateur, & l’on courut cueillir aux pieds d’Arlequin le fruit de la parole de Dieu. […] Dans le même-temps le Nouveau Monde jouoit une autre scène à Philadelphie : on promenoit sur des tombéreau les effigies du gouvernement de la province & d’un ministre d’Etat, en la personne d’un receveur de la Douane, qu’on avoit pris, gaudronné & couvert de plumes depuis la tête jusques pieds. On les conduisit en pompe aux fourches patibulaires, au pieds du gibet ; on pendit & ensuite on brûla des hommes de paille ; &, après avoir mis la corde au cou & montré le gibet au bon receveur, brûlé sa maison & ses meubles, on le mena au port en cérémonie, & on le fit embarquer pour l’Angleterre, avec défense de ne plus paroître en Pensylvanie, sous peine de voir réaliser ce qu’il venoit de voir en figure. […] Dans le corps de cette artillerie on apprend avec soin à jetter une bombe aux pieds des actrices ; la décharge d’une batterie est une basse continue, dont le fameux Rameau n’a point fait mention dans ses Principes d’Harmonie. […] Le théatre ne forme pas des vaillans preux : celui-ci peu fait à des pareils gestes, voulut se retirer : mais un autre prince se déclare son chevalier, accepte le défi, prend son bouclier & son casque, & se montre dans le champ de bataille, pour soutenir l’honneur de son favori, le fait monter sur le théatre danser une passecaille, & jette à ses pieds une boutse de cent cinquante ducats, qu’il avoit ramassés dans une collecte faite charitablement pour lui dans toute la ville, l’assurant qu’il n’avoit rien à craindre, qu’il le défendroit jusqu’au dernier soupir, & feroit plus pour lui qu’on n’avoit fait pour la République.