Une piece dramatique étoit excellente ; un plaisant du parterre trouve un mot susceptible d’être tourné en ridicule, il le releve, voilà l’ouvrage tombé. […] Je prends d’abord la Comédie de l’Avare, & je demande quel doit être le but de cette piece ; on me répond que c’est celui d’inspirer de l’horreur pour l’avarice : voyons si Moliere a réussi. […] Cette intrigue avec les débats du cuisinier & de Valere forment le nœud de la piece, & donne matiere à différentes sortes de plaisanteries qui sont long-temps oublier qu’il s’agit d’un avare. On dérobe dix mille écus à Harpagon qui n’a pas trop de tort d’en être fâché ; on lui rend son argent, & à la fin de la piece tout le monde est content de lui. […] J’en appelle au témoignage de ceux qui suivent les Spectacles, si la représentation de cette piece n’inspire pas une vraie horreur de l’hypocrisie.
Mercier a joint à sa piece, pour mieux peindre son héros, un long commentaire qui forme un gros livre : il a prévenu la postérité, & s’est rendu à lui-même le même service que les interprêtes rendent à Sophocle, à Euripide, &. […] Ils viennent tous en éclatant de rire, & tâchent d’arrêter l’âne, le tirant par la queue & par les oreilles : mais l’opiniâtreté de l’âne, après plusieurs saccades, fut victorieuse de tous leurs efforts ; il partit comme un trait, en s’élançant sur le théatre : il dérangea toute la piece. […] Cette aventure valut toute la piece : ce n’est pas beaucoup dire. […] L’Auteur du Misantrope, à la bonne heure, cette piece suppose du talent.