Toutes ces pièces politiques qui font allusion aux affaires d’Etat, où l’on tâche de rendre ridicules et odieux aux peuples les Souverains ennemis, sont contraires à la sagesse du gouvernement : on doit respecter la majesté du Trône, même dans des ennemis ; la faire mépriser au peuple, c’est l’accoutumer à ne pas respecter son propre maître. […] Si c’est là de la bonne politique, ce n’est pas au moins de celle qui fait l’avantage ni du peuple ni du Souverain, et jamais le goût du théâtre n’entra dans le nombre des choses qu’ils ont dû souhaiter l’un et l’autre pour un utile gouvernement.
Nos décorations auroient aisément servi à la scene Grecque & Romaine, & les décorations Grecques & Romaines formeroient aisément nos théatres ; il n’en est pas de la Peinture comme du langage & du style ; celui-ci se diversifie, & prend différentes nuances, selon les lieux & le caractère des peuples ; le pinceau rend toujours les objets tels qu’ils sont, ce fut toujours une Venus : le corps humain ne change pas, le peintre ne peut représenter que les mêmes carnations, & les mêmes formes, Laïs & la Couvreur, Phriné & la Clairon seront toujours des portraits très-dangereux. […] Aristote a craint de choquer un peuple superstitieux, qui avoit fait mourir Socrate, pour n’avoir pas assez respecté ses Dieux. […] Les connoisseurs admirent l’ouvrage ; le peuple moins philosophe, est étonné de ces objets. […] 24, d’après le second Concile de Nicée, & tous ceux qui avoient condamné les Iconoclastes, enseignent que les images sont utiles pour enseigner les mystères, & confirmer les peuples dans la foi, & leur en rappeller le souvenir, qu’il en revient un grand fruit ; qu’on renouvelle la mémoire des graces & des bienfaits qu’on a reçu de Dieu ; que par la vue des miracles & des exemples des Saints, on est excité a imiter leur vertus, à adorer & aimer Dieu, à cultiver la piété. […] 13. de la Sagesse remercie Dieu comme d’un grand bienfait, d’avoir préservé son Peuple du poison de la peinture & de la sculpture, dont il appelle les ouvrages une ombre vaine, un travail sans fruit, umbra picturæ, effigies, labor sine fructu ; mais dont la vuë empoisonnée fait naître le désir, excite la passion, enflâme la concupiscence, & conduit au péché, cujus aspectus dat concupiscentiam.