Néanmoins les personnes illustres de naissance ou de condition ne les ont pas traités de même sorte ; car les premiers étaient estimés jusqu'à ce point que Sophocle qui joua lui-même quelques-unes de ses Tragédies, eut le commandement de leurs armées, et les autres furent toujours méprisés, et regardés comme des gens qui tenaient le dernier rang en la société civile. Et ce qui conserva des personnes dignes d'un si grand mépris dans les avantages publics, où les gens d'honneur seulement devaient prétendre, fut à mon avis que la souveraine puissance était entre les mains du peuple, et que ces Farceurs ou Technites de Bacchus ayant tous leurs intérêts, toutes leurs liaisons, et toutes leurs cabales parmi la plus vile populace où ils étaient nés, eurent aisément les suffrages et la protection de leurs semblables, sous prétexte même de Religion, pour jouir avec eux de tous les privilèges de leur République. […] Probus, après avoir dit qu'en Grèce il n'y a point d'infamie de faire un Spectacle de sa personne au peuple sur la Scène, et que parmi les Romains cet exercice est infâme ; nous voyons qu'il ne parle que de ceux qui font un Spectacle de leurs corps, c'est-à-dire, des Mimes, Danseurs, et Bouffons, et non pas de ceux qui récitaient honnêtement les Comédies et les Tragédies. […] Nous avons établi trois sortes d'Acteurs qui n'avaient rien de commun avec les Mimes, Planipèdes, Histrions ou Farceurs ; et j'ajoute que les plus nobles de tous étaient les Tragédiens, tant pour la grandeur des matières qu'ils traitaient, que pour les personnes illustres qu'ils représentaient, et la manière sérieuse dont ils agissaient. […] Ils n'étaient point employés à des ministères abjects qui les rendissent indignes de la société des personnes d'honneur et de qualité ; et je ne crois pas que l'on se puisse imaginer que Roscius cet excellent Comédien, et Esope cet incomparable Tragédien ne fussent pour le moins aussi bien traités que des Cochers et des Valets d'étable.
On apprend l’adultère en le voyant ; et avec la douceur de l’autorité publique, la personne qui était entrée chaste à la comédie, s’en retourne chez elle toute impudique. […] N’est ce pas aussi pour cela, Messieurs les Magistrats, que le Saint Esprit vous dit par la bouche du Prophète, « jusqu’à quand jugerez-vous injustement, et aurez-vous égard à la personne des pécheurs ? » Je sais bien que quelques-uns entendent cette répréhension, de la criminelle conduite des Juges, lesquels pour asseoir leurs Jugements, n’envisagent ni la Loi, ni le mérite de la cause ni leur propre conscience, mais seulement la qualité des personnes : si c’est un homme puissant dont ils puissent attendre du service, un ami qu’ils veulent obliger, un parent pour le favoriser, ou quelque autre dont on espère de la gratification : mais je n’ignore pas aussi, que ces paroles, « jusqu’à quand aurez-vous égard à la personne des pécheurs », ne doivent être expliquées que de l’injustice que commettent ces Messieurs, donnant leur consentement et leur approbation à des pécheurs publics, tels que sont pour l’ordinaire ceux qui tiennent le Théâtre, et qui ne trouvent leur accommodement, que dans la perte des autres. […] Or si le Prophète appelle les Juges, « des Dieux, et les enfants de Dieu », n’est ce pas pour les engager doucement et agréablement à se conduire dans l’exercice de leurs Charges chrétiennement, saintement de sans reproche ; puisque ce serait une chose tout à fait honteuse, que des personnes si élevées et qui portent des qualités si glorieuses, se laissassent aller à des injustices, qui leur fissent changer leur nom de Dieux, en celui d’Antéchrists ? […] De l’assistance aux Théâtres Ce ne sont pas seulement les gens du commun qui assistent aux spectacles pour y entendre les Comédiens, ou les Bateleurs ; mais aussi le plus souvent les personnes de condition, sans se mettre en peine s’ils violent les jours dédiés à Dieu, se persuadant, comme j’ai dit, qu’il leur suffit d’avoir entendu la sainte Messe, et de s’être abstenus du travail, pour bien célébrer ces saints jours : ce qui fait qu’ils ne font aucun scrupule de se rendre aux théâtres et aux farces publiques pendant ces célébrités.