Une actrice célebre, par plus d’un talent, au moment de la piéce où elle alloit jouer un grand rôle, au lieu de s’en occuper, étoit à sa toilette à se farder, penfant uniquement à relever ses charmes, par tout l’art de la coquetterie ; on lui représenta qu’elle devoit se préparer à jouer son personnage : bon, bon, dit-elle, le premier, le plus important personnage d’une actrice, est de paroître jolie, il fait le prix de tous les autres.
Ce Prince voulut encore que l’Acteur qui joueroit ce personnage fut habillé en homme du monde, l’épée au côté avec des dentelles , pour écarter toute idée d’état ecclésiastique ou religieux, & ne peut donner lieu de penser que tous ceux qui sont dans cet état sont des hypocrites ; car telle étoit la malice de Moliere en habillant son Tartusse en Abbé, ce qui étoit contre son plan même, puisque le Tartusse est destiné à épouser la fille d’Orgon ; sur quoi roule toute l’intrigue, il est supposé laïque, & non d’un état qui exclud le mariage. […] Cependant rien n’est plus commun en France & sur-tout au théatre & envers les personnages qu’on y joue, & envers les Actrices elles-mêmes ; on adore les femmes, elles sont adorées, on se met à genoux devant une Actrice, c’est une Divinité, on lui offre des victimes, on brûle l’encens ; le jargon de la galanterie n’est que le langage de la Religion appliqué à la créature, on ne peut excuser ni la prophanation si ce langage est sincère, ni l’indécence s’il ne l’est pas ; mais d’où vient cet abus sacrilège si généralement répandu de la frivolité du François ?