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294. (1836) De l’influence de la scène « De l’influence de la scène sur les mœurs en France » pp. 3-21

Et lorsque son incisive ironie démasquait la sottise, pensait-il qu’il ne donnait à chacun des spectateurs que le malin plaisir de montrer du doigt son voisin ? […] Je ne puis m’empêcher de citer ici ce que le tragique le plus soumis aux sentiments de ses contemporains pensait du devoir des auteurs dramatiques envers le public ; en parlant de sa tragédie de Phèdre, Racine disait : « Les moindres fautes y sont sévèrement punies, la seule pensée du crime y est regardée avec autant d’horreur que le crime même.

295. (1759) Remarques sur le Discours qui a pour titre : De l’Imitation par rapport à la Tragédie « Remarques sur le discours qui a pour titre : De l’Imitation par rapport à la Tragédie. » pp. 350-387

ne se trompe donc pas lorsqu’il lui donne la gloire d’avoir inventé un genre de Tragédie inconnu à Aristote, où, sans s’attacher uniquement comme les Poëtes de l’ancienne Tragédie, à émouvoir la Pitié & la Terreur, il ne pense qu’à exciter dans l’ame des Spectateurs par la sublimité des pensées, & par la beauté des sentiments, une certaine admiration dont plusieurs personnes s’accommodent souvent beaucoup mieux que des véritables passions tragiques. […] Il conçoit une plus haute idée de ses forces : il se flatte de penser avec plus d’élévation, & c’est là sans doute une des plus grandes causes de cette espéce d’enchantement qui est attaché à la Poësie sublime & héroïque. […] J’ajoute encore que le plus grand mérite & le plus haut degré de l’imitation quand elle est parfaite, est de se cacher elle-même, & de rendre l’illusion si forte & si dominante, que l’esprit tout occupé de l’objet imité n’ait pas le loisir de penser à l’art de l’imitation. […] Corneille vouloit que l’on eût l’indulgence pour les Poëtes Tragiques, d’admettre un lieu théatral, où, sans blesser la regle de l’unité, on voulût bien supposer que tous les événements de la piece auroient pû se passer avec vrai-semblance ; mais si son idée a quelque chose de bisarre, il ne l’est point de penser que la plûpart des hommes ont une imagination disposée à recevoir toutes les fictions & les suppositions du Poëte, où chacune se place, & où l’apparence fait presque la même impression que la vérité. […] Il en est de même à proportion du plaisir que la Musique nous fait ; une ame délicate & sensible à l’harmonie, ne pense point d’abord à examiner si un air tendre & touchant exprime bien le sentiment d’un cœur foible & passionné : elle se livre naturellement & presque machinalement à l’impression que cet air fait sur elle ; elle devient elle-même ce cœur touché dont le Musicien a voulu faire sentir l’état par des modes propres à inspirer la tendresse & la douleur ; le plaisir de comparer le rapport de ces modes avec la disposition de notre ame, qu’ils peignent, pour ainsi dire, par le son, ne vient qu’après-coup ; c’est un plaisir réflechi qui ne se fait sentir qu’en second.

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