Lorsqu’on se dit à soi même ; que va-t-on penser de tel endroit de mon Livre ? […] Mais après avoir réflèchi aux objections que je redoutais, & aux raisons que j’avais à alléguer, j’ai pensé que j’étais autorisé à suivre mon prémier plan. […] Au reste, malgré les détours que j’ai pris quelquefois pour dire ma façon de penser, il est facile de l’entrevoir ; la vérité, que j’essaye de cacher en partie, m’échappe souvent, & perce le faible nuage dont je l’enveloppe. […] Lorsque je me récrie sur ses beautés & sur son mérite, il suffira de penser le contraire de ce que je dis, afin de pénétrer mes véritables sentimens. […] Au reste, comme chacun a son sentiment particulier, duquel on ne s’écarte presque jamais parce qu’on le croit le meilleur, je dois m’attendre que les raisons que j’allégue dans ce Discours préliminaire, afin de me justifier, persuaderont peu de personnes : je dois peut-être penser aussi que je me trompe moi-même.
Et que pensez-vous de ceux qui peignent les passions, et qui expriment les beaux sentiments ? […] Ils sont peut-être plus dangereux que vous ne pensez. […] A quoi donc pense-t-on d’enseigner la Rhétorique aux jeunes gens avant la Dialectique ? […] Car en un mot les Livres ne nous éclairent point par eux-mêmes ; et ceux qui pensent plus qu’ils ne lisent sont toujours les plus habiles. […] Mais que peut-on penser de ces amateurs de Tableaux, de ces curieux de Médailles et de Porcelaines, qui mettent tout leur soin à garnir leurs cabinets ?