Cet homme de génie a des beaux traits, des pensées sublimes, des sentimens nobles, des situations touchantes semées çà & là : mais une infinité de bassesses, de bouffonneries, des licences du plus bas comique, des horreurs dégoutantes, des attrocités révoltantes, qui l’emportent infiniment sur ce qu’il a de bon. […] Cette pensée triviale a été cent fois employée pour les peintres & les sculpteurs, qui sont toujours en commerce d’immortalité avec les gens de lettres qu’ils représentent : il n’y a de neuf que ce mot, il brave la caducité ; car il est rare qu’on peigne les héros & les belles dans leur caducité. […] Il l’a pris pour son modele ; mêmes intrigue, confidences, situations, dénouement, craintes, remords, même rivalité en faveur d’une autre maîtresse, Biblis est calquée sur Phedre, & semble n’en être qu’une traduction libre, quoiqu’il y ait beaucoup de pensées propres au Comte, & même des traits plus beaux que dans Racine, semés sans doute à dessein, pour déguiser le plagiat, Précaution peu nécessaire au-delà des monts, où Racine n’est connu que de quelques amateurs. […] Toutes ces pensées sont des fruits délicieux de l’Isle Frivole qui ont la solidité des alimens dont on s’y nourrit ; & ces ouvrages de brillantes courses en Cabriolet, qu’il a préparées par son Apologie des Cabriolets.
Ces pensées, ces désirs mauvais, ces péchés sans nombre, qui en ont préparé les voies, doivent-ils bien attirer les bénédictions du ciel après le mariage ? […] La disposition avec laquelle on s’y rend, y suffiroit seule ; c’est un esprit de dissipation livré au plaisir, qui ne cherche qu’à le goûter & le faire goûter aux autres ; toutes les portes du cœur sont ouvertes pour le recevoir, toutes les pensées, tous les désirs vont au-devant de lui pour le trouver ; le cœur tout entier le saisit pour en jouir. […] Quand on avance hardiment qu’il ne se passe rien que d’innocent dans la danse, ne diroit-on pas qu’il s’agit d’une danse de marionnettes insensibles à tout, & pour qui tout est insensible, qui n’ont ni des yeux pour jeter de mauvais regards, ni de langue pour dire de mauvaises paroles, ni d’oreilles pour les entendre, ni de mains pour prendre des libertés criminelles, ni desprit pour avoir de mauvaises pensées, ni de cœur pour former de mauvais desirs ? […] les mauvais regards, les discours licencieux, les désirs, les pensées d’impureté, les libertés, le scandale, l’occasion donnée du péché, ne sont-ils pas dans les principes du Christianisme de véritables péchés ?