D'ailleurs de si violents efforts, de si violentes agitations sont bien fatigantes ; c'est acheter le plaisir bien chèrement, c'est réunir le danger, la faute et la peine. […] Ainsi pensait ce sage Législateur qui ne voulut pas imposer des peines au parricide, regardant ce monstre comme inouï et impossible. […] Faire goûter le plaisir des passions, sans en ressentir les inquiétudes et les peines. […] que peut y gagner, ou plutôt que n'y perd pas, l'homme d'Eglise qu'on y dégrade, le Magistrat qu'on y tourne en ridicule, le Militaire qu'on y amollit, le fils de famille, le domestique qu'on rend fripon, le petit qu'on dégoûte de son métier, qu'on apprend à mépriser ses maîtres, à supporter avec peine la dépendance, le grand dont on nourrit l'orgueil, la profusion, la dureté, à qui on inspire le goût du luxe, de la fatuité, de la débauche ?
C’est se jouer du public, de crier au miracle, l’homme est naturellement imitateur & critique : qu’il prenne un moment la peine d’arranger les idées que la malignité lui suggere, il sera une comédie. […] A peine fut-il Cardinal, qu’il se fit nommer Général des Troupes du Pape, contre-le Duc d’Urbin ; il étoit peu fait pour commander une armée, Les soldats refusoient d’obéir à un homme de si basse naissance, & si mauvais Capitaine, & ménaçoient de déserter. […] Bibiana dépouillé de ses lauriers reprit son premier metier ; il fit répresenter à grands frais des comédies dans une salle magnifique du Vatican, où les décorations changeoient à chaque acte, on ne s’y mettoit en peine que d’y faire rire, & cet homme qu’on dit avoir chassé les histrions pour réformer la comédie y faisoit jouer les piéces les plus licencieuses : on invitoit même les enfans des meilleures maisons à monter sur le théatre & y servir d’Acteurs. […] Qu’au reste la malignité, l’envie, la calomnie, les hérétiques ont beaucoup éxagéré les défants de ce Pape, ce que je crois sans peine ; mais il n’y en a que trop de certain, pour faire sentir le danger de la fréquentation du théatre, pour les hommes même les plus éminents, & la foiblesse d’une apologie qui voudroit se prévaloir des exemples de ce Pontise. […] La poësie de Metastasio est comme celle de Quinault, si coulante & si harmonieuse qu’elle chantoit, pour ainsi dire, toute seule ; les musiciens qui ont une peine infinie de trouver de sons mélodieux pour les termes durs & dissonants ; ont si peu peine à chanter Metastasio, qu’ils se laissent aller à l’unisson des expressions de Metastasio.