Car les grandes choses ne paraissent ordinairement au monde, que dans des longueurs pour quia la vie d’un seul homme ne suffit pas ; leur suite est souvent interrompue par le silence, ou par le tumulte des affaires : les faux bruits, les feintes, les passions particulières en déguisent la vérité, et sont cause que l’on prend les circonstances pour le principal, mais les théâtres recueillent ce qui sert pour la parfaite intelligence d’un sujet ; en moins de deux heures, il font voir la naissance, le progrès, les difficultés, la fin des aventures qui exercèrent le monde durant plusieurs années et plusieurs siècles. Le peuple est bien aise d’entendre le secret des cœurs et des conseils ; d’entrer dans l’intelligence des causes, que la police et que les passions lui cachent ; de se rendre juge des Princes, qui se font la guerre, pour lui donner du plaisir. Dans ce combat de plusieurs qui prétendent une même chose, les spectateurs prennent le parti qui revient plus à leur jugement, avec des transports qui leur font sentir toutes les douceurs, sans les amertumes des passions, parce qu’ils savent en effet, que ces objets ne sont que des feintes. […] L’amour qui est le tyran des cœurs, est le grand sujet des théâtres, et pour expliquer sa puissance, on le décrit qui arme toutes les passions, qui commet tous les désordres imaginables, sous un prétexte de Justice. On y voit les premières complaisances, d’une beauté qui se terminent en des adultères, en des sacrilèges, en des jalousies enragées ; l’on y déploie tous les artifices de la perfidie, toutes les fureurs du désespoir ; tous les massacres, tous les venins de la cruauté, toutes les horribles cérémonies des démons ; les éléments sortent de leurs places, les furies de l’enfer, les morts des sépulcres, les Dieux de leur trône ; on va chercher les autres mondes pour soutenir les intérêts de cette funeste et malheureuse passion.
Iconomanie, est un mot composé de deux mots, Icon, qui en Grec signifie image, & manie, c’est-à-dire, goût excessif ; passion extrême, espece de fureur, pour quelque chose. Iconomanie est donc la passion pour les images, comme Bibliomanie, passion pour les livres ; Scénomanie, passion pour le théâtre ; Métromanie, passion pour les vers ; Musicomanie, goût excessif pour la musique ; Anglomanie, fureur pour les idées, les manieres angloises : Malicomanie, fureur de dire du mal, idée juste d’un calomniateur, définition juste que fait de lui-même un libelle diffamatoire. Iconomanie littéraire est la passion des littérateurs, de mettre des images dans les livres. […] Le luxe Typographique, & en particulier l’Iconomanie littéraire, n’est qu’une passion d’enfant à qui il faut des images, des poupées, des hochets, tous les enfans y courent ; mais que dis-je, des enfans ? […] Qu’on en juge par les mœurs des acteurs, par leurs desseins, par le fond du Drame ; on ne veut que des tableaux du libertinage, toute la décoration, toute l’action n’est que le développement de leur cœur, l’abrégé de leur vie, leur imagination étalée, leurs passions sont les yeux.