Le goût dominant est la volupté, le plus sur moyen de plaire, est d’irriter les mouvemens de la sensualité ; par conséquens de fortifier, d’embellir, de conserver la couleur, la fraîcheur, la délicatesse du teint, c’est à-dire, la carnation naturelle, ce sont les Lys & les Roses, & non les paillettes d’or, qui vont au cœur ; l’or au contraire, au lieu de se fondre & de s’incorporer avec les couleurs naturelles, douces & tendres, tranche, tenir, donne un air rude, un ton livide, annonce la magnificence, mais n’allume point la passion, on le répandra sur les habits, par vanité, jamais sur le coloris par volupté. […] Dans tous les tems, l’esprit de Théatre les passions, les vices portés à l’excès ont fait la célébrité des hommes. […] On ne sentoit plus la douceur, la légereté, les inflexions qui en expriment les nuances des sentiments, & donnent beaucoup de grace à la déclamation ; ils étoient en grand nombre ; on en avoit pour chaque rôle, ils représentoient des hommes, des femmes, des viellards, des jeunes gens, des princes, des esclaves ; l’acteur les prenoit en entrant sur la scéne, & les quittoit en sortant ; cet usage étoit commode, on n’avoit pas besoin de composer son visage : acteur, ou actrice, jeune ou vieux, laid ou joli, le visage étoit tout fait, & la tête toute coëffée ; mais aussi étoient-ils toujours les mêmes, on ne pouvoit ni peindre les mouvemens des passions, ni diversifier le feu des regards, ni répandre à propos les graces du souris ; & ce qui est le plus terrible pour une femme, sa beauté étoit cachée, & ne pouvoit faire de conquêtes ; on ne conservoit pas le chef-d’œuvre de la toilette, dont ces vilains masques dérangeoient toute l’architecture.
Au contraire Anacreon, ce Poëte galant, ce grand maître du vice, demandoit qu’on lui jettât abondamment des parfums sur l’estomac, parce que de là l’odeur iroit plus directement au cœur, & y parviendroit plus vite pour échauffer sa passion : Advola, & unguentis mihi pectus irriga, ut cor citius obtineat. […] Les anciens donnoient de leur passion pour les parfums une raison qui paroissoit sérieuse : ils prétendoient que outre le plaisir de l’odorat qu’ils trouvoient delicieux, les parfums répandus sur la tête abbatoient les fumées du vin & empêchoient l’ivresse à quelque excès qu’on se livrât, ce que je crois sans peine. Les odeurs ont donc deux belles qualités, de favoriser les deux passions qui dégradent le plus l’humanité, l’amour en l’excitant l’ivresse en la calmant.