Ce Prince sentait vivement les désordres d’un spectacle auquel il avait souvent assisté, et quoique époux de la nièce du Cardinal Mazarin, qui avait toujours favorisé le théâtre, il eut le courage de le combattre au milieu d’une Cour qui le goûtait avec le plus de passion. […] Le théâtre anime les passions, allume la fermentation dans les esprits, et les monte sur le ton de l’indépendance, de l’orgueil, du vice, et les rend plus faciles à prendre l’impulsion qu’on voudra leur donner. […] Ils le sont davantage ; la dépense qu’on vient de faire, les augmente ; la joie qu’on vient de goûter, la pompe qu’on vient de voir, les font mieux sentir ; les passions qu’on vient d’éprouver, rendent plus impatient. […] Les attraits de la passion, le goût du vice, le langage du péché, les mouvements du cœur, les nudités, les attitudes séduisantes, la magie de la décoration et des parures, les pièges de la coquetterie, les agaceries, la vénalité des Actrices, les adresses de l’hypocrisie, les artifices de la fourberie, etc. toutes ces batteries de l’enfer sont autant et plus que jamais dressées au théâtre. […] ), après avoir décrit au long la frivolité, les désordres, les passions, les fureurs des hommes de qualité, prétend que le théâtre en est la cause et le fruit.
Ce n’est point pour flatter les passions des hommes que le spectacle est établi, c’est au contraire pour les régler. […] Quant à l’homme sans passions, expliquons-nous. […] Si par un homme sans passions, vous entendez un sage incapable d’aucun excès, dont tous les désirs sont subordonnés à la raison, ce n’est pas un homme sans passions. […] Le jeune homme ne peut encore recueillir par lui-même la morale dont cette pièce abonde, son Gouverneur la lui fait apercevoir : « Voyez-vous Monsieur, dira-t-il, à quoi expose la malheureuse passion du jeu, quel est l’état de ce Valère, à quelles bassesses tout Gentilhomme qu’il est, sa passion ne le réduit-elle pas ? […] Ils transforment au contraire cette passion en sentiment, ils veulent toujours qu’elle soit subordonnée à la Vertu, qu’elle soit justifiée par le mérite et la sagesse de la personne aimée : si cette passion est telle dans les mœurs des Français, assurément les Auteurs auraient grand tort de la peindre comme criminelle, mais si cette passion n’est pas encore telle et n’est qu’un tribut que les Auteurs imposent aux cœurs bien faits en faveur de la Vertu, loin de changer les mœurs, ils veulent apprendre ce qui manque à leur perfection.