Je ne pousseray pas la censure & l’invective jusque-là, que de soûtenir que c’est absolument renoncer à la profession de Chrétien, que de se trouver aux spectacles, ausquels les Chrétiens passent une partie du Carnaval ; mais aprés vous avoir déja fait voir le desordre qui se trouve dans les autres divertissemens de ce temps, je vous diray que celuy-cy est le plus criminel pour quelques-uns, & le plus dangereux pour les autres, & que c’est veritablement une chose digne des larmes que verse l’Eglise, & des gemissemens qu’elle pousse vers le ciel, de voir ses enfans aveuglez jusqu’à ce point, que de s’exposer pour satisfaire une vaine curiosité, au danger de leur salut. […] Ces spectacles dont ils parlent, & contre lesquels ils invectivent avec tant de zele, étoient en partie sanguinaires & cruels, & en partie infames & honteux ; en sorte que les personnes qui avoient quelque sentiment d’humanité, ou de pudeur, en avoient elles-mêmes de l’horreur. […] Si l’oisiveté est condamnée dans l’Evangile, & si ce fut un suffisant motif, pour obliger le Fils de Dieu à faire le procés à un serviteur inutile ; que doit-on penser de tant de personnes de l’un & de l’autre sexe, qui passent les nuits dans une sale de bal, & la plus grande partie du jour dans les assemblées du beau monde, qui se trouvent à toutes les comedies, à tous les jeux publics, & à tous les spectacles, & qui ne seroient pas contens d’eux-mêmes, s’ils n’avoient part à toutes ces sortes de divertissemens ? […] C’est la seconde demande, Messieurs, à quoy j’ay dessein de satisfaire en ma seconde Partie, où j’ay à vous faire voir, que ces spectacles qui sont criminels à l’égard de plusieurs, sont encore dangereux à l’égard de tout le monde. […] Seconde Partie.
Benoit a donné une piece, où pour le triomphe de la probité, elle introduit un Avocat qui plaide contre sa maîtresse, & lui fait perdre un grand procès, qui l’a ruinée, & ensuite l’épouse pour la dédomager ; cet héroïsme romanesque est sans vraissemblance, il est impossible que dans le cours d’un procès un Avocat ne connoisse le nom & les qualités des parties, & ne s’apperçoive qu’il plaide contre sa maîtresse. Son ministère étant libre, il peut & doit rendre la cause dont il s’est chargé sans le savoir, & ne pas s’exposer à l’odieux dénouement de ruiner la personne qu’il aime, ou se rendre suspect à sa partie, si elle vient à connoître l’intrigue. […] Le sieur Linguet, dans son Siécle d’Alexandre, qu’il a fait sur le modele de celui de Louis XIV & de Louis XV de Voltaire, dit sur les spectacles de la Grece : ce n’étoit pas le Licée ni Phiné qui décidoient du mérite d’Œdipe ou d’Aluste ; les premiers Magistrats de la République prenoient eux-mêmes la peine d’examiner les pieces, (non-seulement comme censeurs pour les mœurs & la doctrine, mais comme critiques pour la partie littéraire.) […] L’Académie de Parme distribue plusieurs prix, elle a donné en 1770, pour prix de l’architecture, le plan d’un théatre magnifique, propre à toute sorte de représentations, qui réunisse les différences parties de la distribution, & décoration antérieure & extérieure, la forme & les dimensions de l’orchestre, des loges, de l’amphthéatre, pour les changements de scéne, la pompe de la représentation dans toutes sortes de drames liriques, tragiques & comiques ; tout le théatre est mis sur le trône littéraire. […] L’amour n’étoit pas le foible de ce Jésuite, qui avoit alors plus de cinquante ans ; son plus grand crime fut d’être en bute à une cabale qui ne savoit point pardonner, & d’avoir eu la foiblesse de prêter l’oreille aux prétendus miracles de la pénitente, dont la réputation de sainteté, augmentoit celle du directeur : aussi le Parlement d’Aix jugea que le seul dénouement que l’on devoit donner à cette cause ridicule, qui pouvoit devenir funeste, étoit de mettre les parties hors de cour & de procès .