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2. (1743) De la réformation du théâtre « De la réformation du théâtre — TROISIEME PARTIE. — Tragédies à conserver sur le Théâtre de la Réformation. Avant Propos. » pp. 118-127

Les grands Maîtres (ainsi que d’illustres Ecrivains ont remarqué) nous ont donné plusieurs préceptes qui sont contraires à la vérité et à la raison : depuis deux mille ans nous portons le joug sans oser le secouer ; parce que nous ne les approfondissons point ces préceptes, ou parce que nous nous obstinons à les soutenir par prévention. […] Quoique je me sois scrupuleusement attaché dans mes Ouvrages aux règles d’Aristote, et que j’en ai même fait le fondement des préceptes que j’ai pris la liberté de donner ; j’ose pourtant dire qu’on aurait tort de me reprocher d’avoir changé d’avis, si je critiquais aujourd’hui ces mêmes règles. […] Je me suis, il est vrai, conformé à ces règles dans ce que j’ai donné ; mais il est aisé de voir que ce qui m’a déterminé à tenir cette conduite, c’était le désir d’éviter la singularité, et la crainte d’être le seul de notre siècle qui osât opposer une digue à la prévention générale : j’ajoute que je n’ai suivi ces règles que lorsqu’elles m’ont paru conformes aux préceptes de la raison autant qu’à ceux des Maîtres de l’Art ; aussi lorsqu’il m’est arrivé de citer quelque dogme du grand Maître, j’ai toujours dit : Comme le veut Aristote ou plutôt la raison : la nature : le bon sens : le vrai : et autres termes semblables, ainsi qu’on peut le vérifier dans mes Ecrits. Lorsque je commençais, il y a plus de quarante ans, à étudier sérieusement le Théâtre, je trouvais d’abord, dans les Anciens et dans leurs Commentateurs, des règles qui choquèrent ma raison ; je fis bien des réflexions en conséquence ; mais, ne me fiant pas à moi-même et craignant de me tromper, je soumis mes lumières à la grande autorité de ces hommes qui, pendant plusieurs siècles, nous ont servi de guide, et je n’osais même communiquer mes doutes à personne. […] Si j’ose donc parler présentement, c’est parce que je crois que je n’aurai plus à l’avenir occasion d’écrire sur cette matière.

3. (1777) Des divertissements du Carnaval « Des divertissements du Carnaval. » pp. 92-109

Quel homme de bon sens oserait les autoriser, ces joies licencieuses, par la proximité des jours de pénitence qui les suivent. […] Et pour peu qu’on ait de teinture de religion, on ose même dire, de raison, peut-on donner dans une telle illusion ? […] Oserait-on débiter une maxime si contraire à la foi et au bon sens ? […] Un Prince n’oserait faire le Comédien, un simple Bourgeois croit qu’il y a des divertissements indignes de sa condition : un Religieux se rendrait infâme en se divertissant comme la plus grande partie des Chrétiens ; et un Chrétien se persuade qu’il n’y a rien de messéant à un si grand nom, il n’a point de honte de se divertir en Païen. […] Quelle secrète aversion, si quelque personne vertueuse ose désapprouver ces sortes de plaisirs ?

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