Pour bien juger si un acteur jouë bien juste, il faut, dit on, se boucher les oreilles, & ne faire attention qu’à son jeu. Ne peut-on pas dire aussi, il faudroit fermer les yeux, & n’ouvrir que les oreilles ; l’un & l’autre est vrai, & faux à divers égards : le pas pantomime ne rend que la moitié de l’action ; on sent bien mieux quand on entend les paroles, si les gestes, les mouvements, l’attitude, les yeux, la phisionomie rendent la pensée & les sentiments ; combien de tableaux de nuance perdus ou incertains, si la parole ne donnne le mot de l’énigme, aussi le ton, l’inflexion de la voix, la lenteur & la rapidité de la diction ajoutent les traits les plus vifs, ce sont les couleurs de l’oreille, pour ainsi dire. […] L’amour n’étoit pas le foible de ce Jésuite, qui avoit alors plus de cinquante ans ; son plus grand crime fut d’être en bute à une cabale qui ne savoit point pardonner, & d’avoir eu la foiblesse de prêter l’oreille aux prétendus miracles de la pénitente, dont la réputation de sainteté, augmentoit celle du directeur : aussi le Parlement d’Aix jugea que le seul dénouement que l’on devoit donner à cette cause ridicule, qui pouvoit devenir funeste, étoit de mettre les parties hors de cour & de procès .
Comment les sublimes leçons de vertu arriveroient-elles pures dans les ames, tandis que l’organe qui les porte jusqu’à l’oreille est vicié ? L’organe qui porte à l’oreille est la voix ; la voix des Comédiens n’est pas viciée, elle est ordinairement belle : le vice de la voix n’altère pas la sublimité des leçons ; une voix casse peut en donner de très-sublimes. Le mot jusqu’aux oreilles est faux ; ce sont les vibrations de l’air qui vont jusqu’aux oreilles.