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160. (1768) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre douzieme « Réflexions morales, politiques, historiques, et litteraires, sur le théatre. — Chapitre premier.  » pp. 2-36

Pour séduire une femme très-respectable de la Cour d’Hongrie, un Prince son amant, ordonna sous main, aux acteurs de ne représenter que des piéces où la foiblesse des femmes fût toujours excusée ; ainsi tout disoit à cette Dame qu’une femme peut se livrer sans crime, au penchant de son cœur ; mille exemples, moyens plus persausifs que tous les discours, l’assuroient que le deshonneur ne suit pas toujours une tendre foiblesse, que la plus austere vertu n’est pas à l’abri des soupçons, que la loi de la fidélité n’est qu’un joug imposé par la tyrannie des maris, qu’une femme sage peut reprimer les desirs ; mais qu’il lui est impossible de n’avoir pas de penchant. […] L’auteur dont l’intention est bonne, n’a pas pensé qu’au tems des croisades, où il place cette aventure, il n’y avoit point de spectacle réglé où l’on pût ordonner des piéces à son gré ; que la Hongrie, dont le Roi allant à la Terre-Sainte, laissa régner le mari de cette femme ; que la Moravie, dont le Souverain fut le séducteur artificieux, étoient des pays barbares, où le théatre étoit inconnu, où il n’est guere connu encore ; ainsi le représente l’auteur de l’histoire de Jeanne de Naples, qui avoit épousé dans ce même tems, le frere du Roi d’Hongrie.

161. (1702) Lettre de M. l’Abbé de Bellegarde, à une Dame de la Cour. Lettre de Lettres curieuses de littérature et de morale « LETTRE. de M. l’Abbé de Bellegarde, à une Dame de la Cour, qui lui avait demandé quelques réflexions sur les pièces de Théâtre. » pp. 312-410

Madame, Si vous m’ordonniez de vous écrire sur d’autres matières, et qui eussent plus de rapport à mon état, peut-être le ferais-je avec plus de succès ; ou si vous me laissiez la liberté de faire mon plan moi-même, et de choisir des sujets proportionnés à mon génie, et à mes connaissances, je travaillerais avec moins de gêne, et moins de contrainte, et je pourrais vous dire des choses plus raisonnables ; mais je vous avouerai sans façon, Madame, et sans honte, que je ne fais point de vers ; qu’il y a plus de quinze ans, que je n’ai vu le Théâtre, ni assisté à aucune Comédie ; je ne sais si c’est par scrupule, ou faute de goût pour les spectacles ; enfin je suis aussi mauvais Poète, que mauvais Historien, et je doute que je puisse m’acquitter, avec honneur, de ce que vous m’ordonnez.

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