Nous sommes persuadés néanmoins que l’on pourrait prendre pour y parvenir des voies non seulement plus utiles aux Enfants à qui on fait perdre un temps infini, et aux Maîtres qui n’en perdent pas moins, occupés pendant plusieurs mois de la composition, du récit et du succès de leur ouvrage ; mais aussi plus conformes à la Religion, qui a toujours marqué beaucoup d’horreur pour les spectacles sans y mettre de distinction. […] En effet n’est-ce pas un désordre manifeste et un scandale, que la même personne qui aura paru pendant les Offices Divins occupée à y chanter sous un habit Ecclésiastique les louanges de Dieu et à servir à l’Autel au plus redoutable de nos mystères, paraisse ensuite et quelquefois le même jour sur un Théâtre, ou fasse partie du spectacle ?
Il serait donc très sage et très utile de multiplier les spectacles et les entretenir aux dépens même de l’Etat pour occuper et distraire une quantité de gens oisifs et libertins qui, ne sachant pas s’occuper à bien faire, ont toujours le temps de faire du mal et sont toujours prêts à le faire, pour peu qu’un factieux, un ambitieux, un conspirateur ait l’intention de profiter de leurs mauvaises dispositions. Les Césars faisaient eux-mêmes tous les frais des spectacles, parce que tous les gens suspects, occupés des plaisirs qu’ils leur procuraient, n’étaient plus alors disposés à prêter l’oreille aux partisans de la liberté. […] Mais si des spectacles amusants et peu coûteux le captivent, qui sera assez hardi, assez imprudent pour croire qu’il abandonnera ce plaisir, pour aller s’occuper de projets dangereux qui l’en priveraient sans doute. […] Les Théâtres ne sont communément fréquentés que par des gens qui, solidement occupés tout le jour, ont besoin après leur travail d’un délassement honnête. […] Je négligerai donc ces balivernes pour m’occuper du sérieux et faire retomber sur un vil Dénonciateur la peine et l’infamie que sa malice et sa mauvaise foi voulait nous faire éprouver.