Vous voyez bien que c’est le goût ou plutôt la fureur d’un peuple insensé, qui a introduit cet usage parmi eux, et qu’une coutume établie sur ces principes n’oblige nullement les personnes sages. […] Cette passion était aussi forte alors qu’elle l’est aujourd’hui ; et les Poètes ne se croyaient pas obligés pour cela d’en représenter toute la force aux yeux des spectateurs : C’était pourtant en ce temps-là que Périclès était charmé de la sage Aspasie, à la prière de laquelle il entreprit la conquête de l’Ile de Samos. […] Il n’en fallait pas davantage pour rendre ses Tragédies aussi passionnées que les nôtres, s’il eût cru que la galanterie des Athéniens était une raison assez forte pour l’obliger de faire voir sur la Scène une peinture de tous les mouvements de l’amour. […] Je vous ai déjà dit que vous m’obligez de recourir à la religion, et certainement je ne puis m’en empêcher en cette rencontre. […] Vous verriez ensuite un fils qui s’expose à la mort pour sauver son Père ; et le père obligé, ou de voir périr son fils, ou de quitter la foiaj.
Si cela ne peut être contredit, n’est-on pas obligé de condamner, ce qu’ils condamnent ? N’est-on pas donc obligé de regarder au moins la comedie, comme un divertissement dangereux, puis qu’ils ont parlé de cette sorte de spectacle, comme d’une chose, capable de corrompre les mœurs les plus innocentes ? […] mon Dieu, Madame, laissons là, je vous prie, cette partie si delicate de l’Eglise, sans la toucher rudement : Ces gens portent alors avec eux leur condamnation, sans que nous soyons obligez de parler ; nous ne devons avoir, que le silence, & le gemissement, respectant toûjours leur caractere ; nous n’avons qu’à baisser les yeux de honte, pour celle, qu’ils ne prennent pas, comme pour nous persuader, que nos yeux ne voyent pas, ce qu’ils voyent en effet ; & je m’assûre, que vous même, ayant l’esprit un peu Chrêtien, vous ne tirerez pas avantage d’un exemple, qui passe le scandale ordinaire, pour aller plus librement à la comedie.