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23. (1686) Sermon sur les spectacles pp. 42-84

N’est-ce pas là que toutes les passions se trouvent à l’aise, et qu’elles rencontrent tout ce qui peut leur plaire, et les favoriser ; de sorte que les maximes du monde et les pompes de Satan se représentent à tout instant, et comme l’embellissement des Théâtres, et comme le principal objet des acteurs ? […] Il y a un tel enchantement, une telle magie, que tous les objets embellis par le luxe, et produits par la mollesse, paraissent se confondre, quoique sans confusion, afin de posséder toute l’âme des Spectateurs, et d’enivrer tous leurs sens. […] Et pourriez-vous en supporter la vue au milieu de ces Acteurs profanes et scandaleux, qui, par leurs gestes, par leurs paroles, par leur immodestie, ne cherchent qu’à vous distraire de ce grand objet ? […] c’est là, vous le savez, qu’ont commencé tant de divorces qui mettent une misérable Actrice à la place d’une légitime Epouse, qui ruinent des familles entières, et qui sont des objets continuels de gémissements ; c’est là que des regards lascifs entraînent le cœur, et que l’âme devient coupable d’adultère. […] Combien de fois ne vous a-t-on pas entendu dire que des objets présentés d’une manière indécente et grossière, étaient mille fois plus propres à vous dégoûter du vice, qu’à vous y attacher !

24. (1759) Lettre sur la comédie pp. 1-20

Il voit clairement, à la lumière de l’Evangile, que le Sanctuaire & le Théâtre sont des objets inalliables. […] Guidé par la Foi, ce flambeau éternel devant qui toutes les lueurs du temps disparoissent, devant qui s’évanouissent toutes les rêveries sublimes & profondes de nos foibles Esprits-forts, ainsi que toute l’importance & la gloriole du bel-esprit, je vois, sans nuage & sans enthousiasme, que les Loix sacrées de l’Evangile & les maximes de la Morale profane, le Sanctuaire & le Théâtre sont des objets absolument inalliables. […] J’ai cru, pour l’utilité des mœurs, pouvoir sauver de cette proscription les principes & les images d’une pièce que je finissois, & je les donnerai sous une autre forme que celle du genre Dramatique : cette Comédie avoit pour objet la peinture & la critique d’un caractère plus à la mode que le Méchant même, & qui, sorti de ses bornes, devient tous les jours de plus en plus un ridicule & un vice national. Si la prétention de ce caractère, si répandue auiourd’hui, si maussade comme l’est toute prétention, & si gauche dans ceux qui l’ont malgré la nature & sans succès, n’étoit qu’un de ces ridicules qui ne sont que de la fatuité sans danger, ou de la sottise sans conséquence, je ne m’y serois plus arrêté ; l’objet du portrait ne vaudroit pas les frais des crayons : mais outre sa comique absurdité, cette prétention est de plus si contraire aux régles établies, à l’honnêteté publique, & au respect dû à la Raison, que je me suis cru obligé d’en conserver les traits & la censure, par l’intérêt que tout Citoyen qui pense doit prendre aux droits de la Vertu & de la Vérité. […] Je laisse de si minces objets pour finir par des considérations d’un ordre bien supérieur à toutes les brillantes illusions de nos Arts agréables, de nos Talents inutiles, & du Génie dont nous nous flattons.

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