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99. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome I « De l’Art du Théatre. Livre quatriéme. — Chapitre prémier. Le sujet. » pp. 160-182

Je prie le Lecteur d’en être persuadé ; ce n’est qu’àprès une Etude réfléchie de la nature du nouveau Théâtre que j’ose en pénétrer les Mistères, & que je m’enhardis a donner des règles pour la composition de ses Poèmes. […] Qu’il sache peindre d’après nature tel Artisan dans sa Boutique, cela lui tiendra lieu de l’intrigue la mieux recherchée, & composèe avec le plus d’Art. Je lui conseille, encore une fois, de rejetter tout sujet un peu relevé, qui demande du travail de la part du Poète, & de l’attention de la part du Spectateur ; le Spectacle moderne n’en est point susceptible ; on l’avouera sans peine si l’on connait bien son genre & sa nature ; il semble dire ce Vers à tous les Auteurs dont il enflamme le génie : N’offrez point un sujet d’incidens trop chargé. […] Il serait alors de notre honneur d’estimer plutôt les Tragédies de Corneille, où respire l’antique vertu des Romains, que des Pièces où l’on dépeint d’après nature un misérable Artisan.

100. (1752) Traité sur la poésie dramatique « Traité sur la poésie dramatique — CHAPITRE III. En quoi consiste le Plaisir de la Tragédie, & de la grande émotion que causoient les Tragédies Grecques. » pp. 49-62

Notre ame n’est jamais si contente que quand elle est dans une grande émotion, & la Nature a mis en nous une très-grande facilité à être émus, non pour nous rendre barbares, mais pour nous rendre au contraire secourables à nos pareils. […] C’est donc, suivant un ordre établi par la Nature, que nous sentons du plaisir, comme le dit Lucrece, à voir nos pareils dans un malheur dont nous sommes exemts ; & nous trouvons un autre plaisir dans la compassion que nous avons pour eux. […] Nous trouvons, je l’avoue, quelque chose d’atroce dans des Tragédies de cette nature.

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