Projet pour rendre les spectacles plus utiles à l’Etat Je suis de l’avis de ceux qui pensent que les bons citoyens dans leur belles pièces sérieuses peuvent inspirer, entretenir et fortifier l’amour pour la patrie et des sentiments de courage, de justice, et de bienfaisance ; je crois de même que dans leurs pièces comiques ils peuvent inspirer du dégoût et de l’aversion pour la mollesse, pour la poltronnerie, pour le métier de joueur, pour le luxe de la table, pour les dépenses de pure vanité, pour le caractère impatient, chicaneur, avaricieux, flatteur, indiscret, hypocrite, menteur, misanthrope, médisant, en un mot pour tous les excès qui font souffrir les autres et qui rendent les vicieux fâcheux et désagréables pour plusieurs des personnes avec qui ils ont à vivre.
sans qu’aucune considération ait pu faire excepter de cette sévere loi ce prodige du siecle dernier, dont pour faire en deux mots le portrait, on pourroit dire ce que disoit un sage Payen d’un auteur tout semblable : qu’étant presque le seul qui pût mériter d’être vu & d’être écouté sur le théâtre, il étoit, d’autre part, le seul de tous ceux qu’on y voit, qui méritât de n’y jamais paroître : homme, en effet, qui, dans tout autre état que celui où son génie l’avoit jetté, eût été non-seulement l’honneur de sa patrie par la beauté de son esprit, non-seulement l’amour & les délices de la société par la bonté de son cœur, mais un modele de Christianisme même par l’austere probité & l’intégrité de ses mœurs. […] Des Chrétiens qui savent qu’un Juge exact & rigoureux doit un jour leur demander compte d’une action, d’un geste, d’un seul mot inutile ; des Chrétiens qui savent que toutes leurs actions & toutes leurs pensées, tous les mouvements de leur cœur sont achetés par tout le Sang d’un Dieu.